L’interprétation en thérapie

Après une définition de ce qu’est l’interprétation en psychothérapie, nous allons voir si elle est propre à la psychologie, comment et sur quoi s’appuie une interprétation fiable et pertinente et surtout a-t-elle une valeur thérapeutique pour les patients ?

Tout au long de ce questionnement, je vais illustrer chaque point grâce au film Watchmen de Zack Snider car vous allez voir comment nous allons y rencontrer différentes interprétations, différentes ré-interprétations et les conséquences que cela va avoir pour les protagonistes. 

Qu’est-ce que l’interprétation ?

Pour le Larousse, « Interpréter » c’est expliquer, ou donner un sens à un discours ou un récit.Pour ma part, j’avance dès à présent une première subtilité à cette définition pour qu’elle s’applique davantage à la définition psychologique de l’interprétation : Il ne s’agit pas tant de « donner » un sens, mais de « prêter » un sens.Cette précision est fondamentale et nous en reparlerons plus tard, mais je veux dès à présent casser le caractère définitif que pourrai revêtir l’interprétation en rappelant qu’elle n’est toujours qu’hypothèse.

Si l’on se réfère au « Vocabulaire de la psychanalyse » de Laplanche et Pontalis on trouve la définition suivante :

Dégagement, par l’investigation analytique, du sens latent dans le dire et les conduites d’un sujet. L’interprétation met à jour les modalités du conflit défensif et vise en dernier ressort le désir qui se formule dans toute production de l’inconscient.

Dans la cure, communication faite au sujet et visant à le faire accéder à ce sens latent selon les règles commandées par la direction et l’évolution de la cure. 

Cela pose plusieurs bases importantes de l’interprétation :

l’interprétation ne doit pas sortir de nul part, mais bien d’une investigation précise et fondée, par l’analyse des manifestations concrètes du conflit psychique

Son moyen est de traduire un fait que le sujet n’a pu traduire par lui-même sur ses motivations, fantasmes et désirs propres

Son but est d’ouvrir un nouveau champ des possibles pour faire progresser la cureOn constate donc que l’interprétation à plusieurs valeurs, dont celle de respecter une méthodologie stricte et d’avoir une vertu thérapeutique.
On verra ça un peu plus loin en détail mais si une interprétation n’a pas ces deux valeurs minimum, autant se taire.
Par conséquent, Cela m’amène à deux idées reçues sur l’interprétation en psychanalyse :Un, elle ne peut être fréquente, car elle répond à une technique précise et qui ne se produit pas toutes les trois phrases de nos patients… Donc non, le psychologue et le psychanalyste n’interprètent pas à tout bout de champDeuxièmement, nous avons bien plus souvent affaire aux interprétations de nos patients qu’à celles du professionnel

 

Est-ce que l’interprétation est le propre de la psychologie ?

Bien sûr que non, elle est le fait de formuler une hypothèse et en aucun cas une vérité donc elle est appliquée et applicable à toute pratique et rapport humain.Dans le film Watchmen, on peut voir que toute la logique du film tourne autour de l’interprétation. Tout le monde se pose des questions et interprète ce qu’il se passe à la lumière des rares éléments en leur possession- Que ce soit les américains et les russes sur leurs motivations nucléaires
– Les Watchmens sur les motivations du Dr Manhattan
– La population sur le moment de l’apocalypse
– Rorschach sur les motivations du tueur de Watchmen
– Les Watchmen de façon générale interprètent la place qui devrait être la leur dans une société qui les pousse à se cacher et cesser toute activité

Dans une simple discussion, notre cerveau et notre sensibilité se conjuguent sans cesse pour interpréter notre environnement et ce qui nous est adressé. Nous sommes des êtres qui passent leur vie entière à interpréter le monde qui nous entoure pour lui donner un sens et il est constant que face à de nouvelles informations objectives ou subjectives nous ré-interprétions sans cesse ce que nous avions interprété au préalable.

Lorsqu’on se forme à un domaine particulier nous passons d’une interprétation non plus instinctive mais disons professionnelle. Que ce soit un médecin, un architecte, un boulanger, un maçon ou autre, le professionnel part toujours de l’analyse d’un certain nombre de données pertinentes de son domaine pour interpréter et s’adapter à la marche futur à suivre. L’expertise et l’expérience du professionnel vont donc l’amener à échafauder des interprétations de son milieu ou du problème de plus en plus précises mais sans jamais garantir que la première interprétation soit la bonne.

Il devra parfois ré-interpréter la situation pour une solution adéquat.

On voit donc très simplement que interprétations et ré-interprétations sont un outils personnels et professionnels que tout le monde utilise afin de s’adapter positivement à une situation.

Dernier exemple, le plus probant, l’analyse d’oeuvres artistiques. Quelle que soit l’oeuvre, nous savons pertinemment que son analyse et ses interprétations sont le fruit de notre connaissance de ce domaine, de son rapport aux autres productions, de son contexte, des émotions qu’elle suscite en nous et bien d’autres facteurs.

Mais une chose est certaine, je ne peux décemment pas avoir une analyse et une interprétation aussi précise et fondée qu’un critique d’art sur un tableau x ou y. Face à son interprétation de la jeune fille à la perle de Vermeer, je ferai certainement mieux de me taire. Mais disons que face à une interprétation que je porterai à un de mes patients, le critique d’art n’aurait certainement pas son mot à dire.

 

Est-ce que l’interprétation n’est utilisée qu’en psychanalyse ?

Ici encore, la réponse est non.Dans le film Watchmen, même si le personnage de Rorshcach est analysé au moyen de tests projectifs ce qui est à la fois un clin d’oeil et un stéréotype, ce n’est pas l’interprétation du psychiatre qui est la plus intéressante dans le film.Des interprétations plus importantes sont mises en avant et n’ont rien à voir avec de la psychanalyse.

Nous avons affaire à des interprétations
– politiques,
– médicales
– éthiques
– scientifiques et j’en passe

Cependant j’attire votre attention sur deux interprétations personnelles qui sont faites dans le film aussi bien par deux personnages que laissés en suspend pour le spectateur :

Il s’agit de la recherche liée à la filiation du spectre soyeux ET des raisons pour lesquelles Rorschach s’est tant ancré dans un fonctionnement obsessionnel pathologique.

Le psychologue, quelle que soit son orientation théorique, se base chaque jour, à chaque séance, sur son interprétation du matériel clinique à sa disposition. Tout d’abord pour ce qui concerne le diagnostic clinique.
Croire qu’en séance les patients nous énumèrent les signes cliniques du DSM est bien loin de la réalité.

Nos patients montrent quelques défenses, telle ou telle angoisse, tel ou tel rapport d’objet et c’est avec tous ces éléments parfois contradictoires que l’on doit interpréter la question diagnostique. Vous voyez que comme je le disais plus tôt, l’interprétation est davantage de l’ordre d’une hypothèse à valider ou infirmer que d’une vérité définitive.

Après, prenons pour exemple un psychologue cognitivo-comportementaliste, durant son suivi.

Il est dans l’obligation d’interpréter quels sont les liens positifs, neutres ou pathologiques entre pensées, émotions et comportement. Il le fait depuis son interprétation du discours de son patient qui lui même interprète son fonctionnement.

Comme tout psychologue clinicien qui se respecte, le psychologue TCC va donc devoir interpréter, proposer, calibrer, ré-interpréter et réajuster son intervention. En tout cas, quand il fait bien le job…

Parce que là je peux pas m’empêcher de penser aux psys qui disent à l’avance combien de séances il va y avoir à leurs patients, ce qui est la meilleure preuve que le psy en question ne compte certainement pas les écouter mais administrer son protocole de but en blanc quoi qu’il arrive…

Enfin, j’insiste sur ce qui me semble être le point le plus important à prendre en considération : L’interprétation est le plus souvent, l’interprétation du patient.

En tant que psychologue, psychothérapeute ou psychanalyste, nous devons régulièrement remettre en question si ce n’est stopper net certaines interprétations de nos patients qui leur sont délétères. Face à une interprétation complètement erronée qui témoigne seulement de mécanismes de défenses, d’enfermement dans des schémas ou de biais cognitifs flagrants, briser la première interprétation afin d’en faire émerger de nouvelles est primordial. 

 

Sur quelles données s’appuie  une interprétation ?

Dans Watchmen, l’intrigue est similaire à une enquête. L’enquête de Rorschach. En ce sens, elle nous est présentée par son point de vue, or, c’est la 35ème fois que je le dis : « Toutes les vérités auxquelles nous tenons…

À l’instar d’une enquête policière, Rorschach recherche les pistes, les signes et preuves qui vont le mener petit à petit à interpréter des faits, des actes et de façon plus générale, son environnement. Même si a plusieurs moments ses interprétations vont reposer sur quelques biais cognitifs, il finira malgré tout à remanier et ré-interpréter les choses pour parvenir à son coupable…

Son interprétation nous indique donc qu’elle ne se fait pas de façon aléatoire, mais suis une méthodologie, ce qui lui permet de ne pas en faire une certitude, mais un objet mouvant et sensible aux variations des données en sa possession.


Avant de parler de la méthodologie propre à la formulation d’une interprétation solide et pertinente en psychothérapie, il est nécessaire d’aborder le concept de « psychanalyse sauvage ».

Cela renvoi au texte « De la psychanalyse sauvage » de Freud qui en 1910 écrit un court texte riche d’enseignements sur l’interprétation. Dans ce texte, il prend l’exemple d’un médecin ayant donné une interprétation à sa patiente, laquelle s’est tout de suite braquée contre l’interprétation en elle-même et contre son médecin.

Celui-ci aurait selon Freud bafoué les deux règles inhérentes à une bonne interprétation :
– Un, Ne pas attendre que le patient parvienne lui-même à proximité de ce qu’il a refoulé
  Deuxièmement, qu’il n’y ai pas un transfert positif suffisant du patient envers son médecin, ce que l’on peut traduire par le fait que le patient n’a pas eu le temps d’accorder un savoir suffisant à son médecin.

Une interprétation sauvage est donc une interprétation hâtive, qui ne s’appuie sur rien ou pas grand chose et que le patient ne peut sous tendre et lier à des faits objectifs.

Piera Aulagnier, psychiatre et psychanalyste française, parle par exemple de « violence de l’interprétation » et Ester Bick, psychanalyste britannique nous encourage à ne surtout pas « sauter dans des interprétations ».

Vers la fin du texte de Freud sur la psychanalyse sauvage, celui-ci nous rappelle encore « Sans compter du reste que, parfois, on devine faux et qu’on n’est jamais à même de tout deviner ».

Tout cela pour souligner qu’une interprétation est le fruit d’un travail sérieux et méthodique qui se prépare avant d’être prêté à un patient.

L’interprétation en psychologie et en psychanalyse se doit de s’appuyer sur un faisceau de signes cliniques significatifs et objectivants ; d’éléments du langage verbal et non verbal ; d’actes et comportements ; sur des manifestations que le patient perçoit ou tend à percevoir

Sans cela, nous ne sommes pas dans une interprétation mais plutôt une « analyse sauvage »

La méthodologie de l’interprétation est de collecter un certain nombre de données dans le discours, les actes ou projections d’un sujet pour sous-tendre un sens plus profond, moins facile à s’avouer, que l’on rejetterai de prime abord alors que tout dans notre discours et nos actes le clame « haut et fort ». Pour rappel, le patient lui aussi nous donne souvent des interprétations que, pour des raisons éthiques et thérapeutiques, nous devons parfois réfuter.

Collecter les éléments de discours, les manifestations, tous les éléments qui justifient une interprétation et ne la proposer que lorsque le transfert est établi avec un patient proche d’une conclusion similaire, voilà ce qui sous tend une interprétation en séance.

 

Est-ce que l’interprétation est thérapeutique ?

Quand on se pose la question de l’effet thérapeutique de l’interprétation, ça pose la question « quoi d’autre serait thérapeutique » ? Quelles que soient les thérapies le but est toujours le même, notre patient vient avec une représentation du monde qui le fait souffrir, cela impacte ses cognitions, émotions ou comportements c’est à dire un symptôme qui vient pour tenter de rendre la chose plus supportable.Quelle que soit la thérapie, prêter une autre interprétation, qu’elle soit analytique, cognitive, systémique ou comportementale permet au patient de faire ce premier pas de côté vers SA ré-interprétation et SON repositionnement en tant que sujet.

En ce sens, on ne peut pas dire que l’interprétation émanant du psychologue ne soit thérapeutique. Aussi précise et juste soit-elle l’interprétation n’est pas thérapeutique car elle peut s’évaporer ou n’avoir aucune consistance pour le patient. Ce qui est thérapeutique c’est la ré-interprétation du sujet. Lorsque celui-ci prête une valeur à une interprétation, qu’il la laisse venir faire son travail de bousculer la certitude symptomatique.

Là où le film nous éclaire le plus, c’est sur cet aspect purement subjectif de l’interprétation et comment celle-ci peut à la fois être inacceptable, voire, pathologique ou alors, être thérapeutique car elle vient résoudre une problématique interne. Watchmen est fantastique pour illustrer ces deux possibles :

– Lorsque le sens final est dévoilé, Rorschach n’accepte pas d’adhérer à l’interprétation que lui propose de faire OzzyMandias. Il ne peut accepter cette interprétation qui lui est prêtée. Il garde sa souffrance, il garde son symptôme. Rien ne va changer dans la vision qui est la sienne. Cette scène me mets d’ailleurs un énorme doute sur mon hypothèse structurelle de Rorschach, je ne sais pas si on a un obsessionnel de compétition ou un paranoïaque… Les éléments de la scène de fin viennent bousculer mon interprétation première…

– De l’autre côté, nous avons trois personnages différents qui étaient malades au préalable de l’acte d’OzzyMandias, et de l’interprétation qu’ils en avaient. Cette interprétation leur était tout bonnement intolérable… Puis OzzyMandias leur propose son interprétation. Aussi difficile que cela puisse l’être, le Spectre soyeux, le Docteur Manhattan et le hiboux finissent, non sans mal, à accepter cette nouvelle interprétation.

Cela leur fait ré-interpréter leur positionnement et leur vécu. Cela change surtout la façon qu’ils vont avoir de vivre.

On sent leur douleur, l’impossibilité de vivre avec un tel poids s’ils ne viennent pas à bout de ce grand méchant…

Pour finalement l’accepter et très bien vivre leur vie par la suite… Chose dont n’a pas pu être capable Rorschach.

Chaque patient entendra l’interprétation de son psy comme une hypothèse à laquelle il va nouer un sens. Son sens. L’interprétation doit faire RÉ-agir. Dans un agir autre. Voilà ce que fait l’interprétation.

Le patient opère un pas de côté, ré-interprète son symptôme dans un nouveau champ de possibles. Les barrières sont repoussées et c’est lui qui peut alors décider et trouver une nouvelle voie à son symptôme. Que cela nécessite un nouveau comportement, une nouvelle gestion d’émotion, un nouveau rapport à soi, un nouveau rapport à l’autre.

L’interprétation n’est pas thérapeutique, c’est la porte qu’elle ouvre au patient qui l’est.

Rappelez vous que l’être humain n’est cognitivement pas capable de se représenter le monde tel qu’il est dans le réel. Il n’y a donc pas pour lui nécessité à coller à une vérité universelle. Cela ne serait en rien thérapeutique. Ce sont les représentations que chacun se fait de son environnement et des événements qui alternent entre représentations supportables et représentations pathologiques. Pas les faits objectifs. Notre propre interprétation est la source de notre souffrance psychique.

La ré-interprétation est la clé d’une vie psychique apaisée.

 

Qui critique la pertinence de l’interprétation ?

Il est de bon ton aujourd’hui pour certains « experts » auto-proclamés de remettre en question la pertinence de l’interprétation psychanalytique.Ces personnes qui – la plupart du temps ne sont pas cliniciens, c’est à dire qu’ils n’ont pas de patients et n’assurent donc pas de suivi psychothérapeutique – cherchent à véhiculer l’idée que l’interprétation est le fait de chercher un sens à tout prix, là où, il n’y en aurait pas et quand bien même il y en aurait un, cela n’aurait pas de valeur.Ils se basent sur des croyances théoriques selon lesquelles des méthodes clefs en main, adaptées à tous et universelles, pourraient être administrées telle des traitements pharmaceutiques et venir en aide à toute la population. Travailler auprès de vrais patients et non de cohortes balaye instantanément ce genre de critiques et croyances intenables dès la première rencontre avec une vraie personne en souffrance.

C’est cocasse mais dans le film c’est la représentation même de l’interprétation de la projection et de l’interprétation qui est dans l’incapacité de faire preuve de souplesse psychique. En croyant à tout prix qu’il n’existe que LA vérité, une vérité pure et objective à laquelle se soumettre, Rorschach est aveuglé et ne souhaite pas voir le plus important.

L’être humain est tel que les faits objectifs n’ont que peu de valeur sur sa pensée. Il est davantage dominé par ses croyances et émotions que par la logique. Il oublie donc que ce n’est pas la logique de l’être humain qui le sauve mais sa spécificité sensible et subjective.

C’est ça qui sauve chaque sujet, rien d’autre.

Tout être humain en souffrance cherche un sens à ses actes, comportements et à sa vie en général. Lui ôter ça, ne pas l’accompagner dans cette recherche revient tout simplement à ne pas l’écouter et juger immédiatement de ce qui serait le mieux pour lui. Rien à voir donc avec le travail de psychologue quel que soit son référentiel théorique.

Nous avons encore affaire à des critiques projectives et non de professionnels de terrain.

Ils confondent l’interprétation sauvage avec l’interprétation comme outil psychothérapeutique par manque de connaissance et d’expérience. Cette critique faite à la cure psychanalytique est encore et toujours véhiculée par des personnes qui revendiquent un savoir et une expérience qu’ils n’ont tout simplement pas.

 

Pour conclure

Pour conclure, je rappellerai que l’interprétation est un outil universel qui nous permet de représenter notre monde interne et le monde externe. Parfois, l’interprétation nous sauve, parfois elle est douloureuse. Chaque personne doit donc se rappeler le caractère hypothétique de ses interprétations et être prêt à la ré-interprétation personnelle.

Comme évoqué, l’interprétation d’un tiers amène une ré-interprétation personnelle. C’est vraiment pour cette raison qu’une interprétation doit-être méthodique, bienveillante et justifiée dans le temps et la relation. 

C’est ce qui fait la différence entre une interprétation à visée thérapeutique et une interprétation sauvage qui peut parfois mener à des représentations liberticides et pathogènes.

Dr Manhatan dans Watchmen nous est présenté comme un demi dieu mais lui aussi pointe sa limite : « Je peux changer à peu près n’importe quoi, mais la nature humaine je ne peux la changer »

Pour voir la vidéo de ce concept d’interprétation, cliquez ici

Pour aller plus loin :

– B. Chervet (sous la direction de), L’interprétation – Puf (2012) : https://amzn.to/3ahUTqH

– P. Ricoeur, De l’interprétation – Essais(1995) : https://amzn.to/3nnHGAj

– S. Freud, De la psychanalyse sauvage – Editions In Press (1910) : https://amzn.to/2LtgeD9

– S.Freud, Du maniement de l’interprétation du rêve en psychanalyse – Editions In Press (1911) : https://amzn.to/3oS9zkq

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Les Pervers Narcissiques

Pour bien comprendre ce que sont les pervers narcissiques et leur fonctionnement, je vous conseille de vous rendre en premier lieu sur l’article précédent qui explique les bases de la structure perverse.

Dans cet article en trois parties, je vais vous expliquer quelles sont les spécificités cliniques et psychopathologiques du pervers Narcissique, nous étudierons un cas clinique par le biais de Fletcher, le chef d’orchestre pervers narcissique de l’extraordinaire film de Damien Chazelle : Whiplash, et enfin je vous donnerai les bases de la « self-défense psychique » pour vous défendre face aux pervers narcissiques !

Reprenons très rapidement les bases de la perversion :

  • Relation d’objet anaclitique
    Ce qui veut dire que le rapport à l’autre est du côté de la dépendance, du besoin impérieux de l’autre pour vivre ou se sentir exister ET que l’autre ne sera pas considéré comme une personne ou objet total mais un objet partiel qui a uniquement pour fonction d’être utile au sujet pervers.
  • Un mécanisme de défense principal qui est le Déni
    Nous avions donc vu à quel point le pervers ne voulait pas accepter une partie du réel, un manque qui lui est insupportable
  • Le clivage du moi
    Pour fonctionner face et avec l’autre, le pervers va cacher une part de lui en ayant une partie tout à fait adaptée voire, sociable ET une partie complètement séparée qui assouvie d’abord et avant tout ses pulsions et désirs sans se soucier d’autrui.

Et bien chez le PERVERS… NARCISSIQUE nous avons tous ces éléments de la perversion ET ceux plus spécifiques d’un trouble majeur de la personnalité narcissique !

Pour le psychiatre Alberto Eiguer, la perversion narcissique allie 2 éléments : la destructivité et la compromission d’une autre psyché, ce qu’il appelle l’ « extraterritorialité », le sujet cherche la « résolution externe de ses conflits internes« .

Vous voyez que c’est très anaclytique comme fonctionnement, il s’appuie clairement sur l’autre dans un rapport de dépendance / manipulation / voire harcèlement. Alberto Eiguer nous parle encore de forme de perversion morale là où pour d’autres perversions il va souvent s’agir de perversion sexuelle. Il ajoute que c’est « une extrême du narcissisme« .

Pour les pervers narcissique, on peut vraiment penser que l’objet dont il sont castrés, ce qui leur manque, ce qui leur est absolument insupportable, c’est l’estime véritable de soi.

Ils ont une très mauvaise image de soi, vraiment négative. Du coup, Si le pervers narcissique fonctionne sur du déni, du clivage du moi, une angoisse de castration et un rapport d’objet anaclitique… Qu’est-ce que ça peut impliquer comme comportement défensif ?

1 – Déni :
Il va nier sa mauvaise estime de lui, grâce au déni, il va justement montrer une grande confiance en lui, il confond son moi idéal avec l’image du moi, ce qui peut donner lieu à des pensées, des discours et des positionnements mégalomaniaques.

Il est dans le déni de ses propres difficultés, de sa culpabilité, de ses peurs et angoisses.

Comme nous le présentions dans l’article précédent, le pervers a un fonctionnement très infantil. Donc comme dans une cours de récréation, nous avons affaire à un enfant qui nous dit : « C’est pas moi, même pas peur et même pas vrai !« 

2 – Clivage du moi :

Comme déjà évoqué, le pervers déni une part du réel tout en en ayant conscience.

Donc pour tenir face à cette image de soi extrêmement blessée, le pervers narcissique a une partie qui pourrait accepter que oui, il a une blessure narcissique profonde mais « NON, je ne veux pas le voir et je vais agir comme si ce n’était pas le cas« .

Il va donc plutôt mettre en avant sa partie de l’idéal du moi, se poser en référence, en « être non castré » ou parfait et sans manque si vous préférez et rares seront celles et ceux qui auront accès à l’autre partie clivée du moi.

C’est un secret extrêmement bien gardé.

Ce clivage du moi va également jouer sur un aspect assez technique des défenses du moi : La projection.

La projection est une défense typiquement névrotique qui signifie le fait qu’une pensée, une émotion ou un acte que je ne tolère pas en moi, je le projette chez l’autre. C’est pourquoi avec le pervers narcissique tout ce que l’autre fait est volontaire et mal intentionné.

(c’est une déformation du réel)

« Si je suis en retard ce n’est absolument pas de ma faute mais parce que ce matin tu ne m’as pas préparé mon café, j’ai perdu du temps car tu es trop égoiste pour avoir pensé à moi !« 

La projection est la défense qui rend compte de ce qu’évoque le Docteur Eiguer quant à la résolution externe des conflits internes.

3 – Angoisse de perte d’objet :

Elle se situe vraiment autours du narcissisme. « J’ai une blessure narcissique très profonde mais je tente par tous les moyens de la restaurer« .

Ce qui est insupportable au pervers narcissique c’est de voir que l’autre ait une bonne image de soi, une joie de vivre, que ce soit une bonne et belle personne.

Et Ça, ça pointe très exactement ce qui lui manque. C’est lui montrer ce qu’il convoite, lui montrer quelque chose qu’il n’a pas et qu’il cherche pourtant coûte que coûte de tout son être. Il le cherche et en même temps fait croire qu’il l’a qu’il possède cette bonne image face à quiconque.

C’est là que se situe parfois le délire de grandeur, il s’invente une place supérieure pour ne pas voir à chaque fois que cette place est fausse ou perdue.

Symboliquement, on peut représenter comme « fétiche« , ce serait un peu le narcissisme des autres qu’il souhaite démolir pour l’en ôter lui aussi ou mieux, se le procurer. Ce qui nous amène très logiquement à la

4 – Relation analclitique :

Les pervers narcissiques vont obligatoirement avoir besoin d’un autre pour se sentir exister, tâcher de se faire idolâtrer, pour le mettre plus bas que terre et ainsi se sentir au dessus. L’autre est son objet par lequel il va obtenir jouissance.

Dans la littérature, il y a un terme qui revient beaucoup et qui est tout à fait significatif, c’est le fait de vampiriser. Comme un vampire, le pervers narcissique ne peut vivre sans un autre qui le nourrit. Si le vampire ne boit pas le sang de ses victimes, il meurt, pour les pervers narcissiques c’est pareil. Si l’autre n’est pas là pour lui fournir ses qualités, accepter la culpabilité, la faute ou être le mauvais objet à sa place, le pervers narcissique s’effondre et s’efforcera de trouver un nouveau complice.

Oui je parle de « complice » et non pas de victime tout comme l’évoque Alberto et vous comprendrez mieux pourquoi à la fin de cet article…

 

5 – Le respect des règles :

Pour le pervers narcissique comme pour le pervers, le rapport à la loi est problématique. Mais celui-ci va très souvent chercher à faire entendre que la loi est stupide, inutile voire, néfaste.

C’est très spécifique de ce fonctionnement. SA règle À LUI est mieux puisqu’elle est plus intelligente, plus logique. Mais ça ne prend en compte que son point de vue et ses bénéfices personnels.

Il va donc toujours dépasser des règles sociales ou judiciaires. Mais pas pour se faire prendre et punir non. Juste suffisamment pour que s’il se fasse prendre, il ait un simple rappel à l’ordre ou aucune possibilité de payer le prix fort de ses actes. C’est un don. Ces gens connaissent les lois par coeur ainsi que tous les vides juridiques dans lesquels évoluer.

Étude de cas

Essayons à présent de repérer ces 5 critères ainsi que d’autres manifestations significatives dans une étude de cas à travers le personnage de Fletcher dans le film Whiplash :

Comment Agir face à un pervers narcissique ? 

Comme évoqué plus tôt, vous avez vu que j’ai préféré employer le terme de « complice » du pervers narcissique plutôt que de « victime » car il faut savoir que certaines structures de personnalité sont plus propices à ce qu’un pervers narcissique se serve d’eux comme objet. Attention, cela ne veut pas dire que le ou la complice doive t-être culpabilisé et le pervers narcissique disculpé de ses actes. NON. Cela veut dire que plutôt que d’adopter une position passive de victime qui n’apporte rien de bon, analyser en quoi est-ce que l’on a pu être complice des abus de l’autre peut nous permettre d’être actif, moteur des changements que l’on va décider d’opérer, pour se sortir de cette emprise.

Donc qu’est-il possible d’analyser, de conscientiser, de mettre en place pour prendre le dessus sur une personnalité perverse narcissique ? Est-ce que ça m’appartient ou est-ce lui qui me le projette dessus ? C’est à dire est-ce que j’ai vraiment quelque chose à voir avec ce qu’il me reproche ou c’est de son problème dont il s’agit ?Le pervers narcissique ne reconnait rien de négatif en lui donc il le projette. En relevant ce qui n’a rien avoir avec moi, je conserve MA limite et pas la sienne.

  • Cela est particulièrement vrai au travail. Lorsqu’un supérieur hiérarchique fait le gentil, vous tutoies et demande à ce que vous le tutoyez également, rentre dans le domaine privé et personnel… Si c’est un pervers narcissique, il saura utiliser tout cela pour un bon retour de manivelle. En restant dans votre limite et pas celle du pervers narcissique, vous vous protégez de ce qu’il pourrait garder en mémoire pour vous mettre en situation délicate et plus tard, vous faire passer pour le mauvais objet.
  • Ne pas partager ses failles
    Comme avec Fletcher dans notre cas clinique, le pervers narcissique sait reconnaitre les failles chez les sujets, c’est un excellent observateur. Il trouvera vos failles pour les mettre au grand jour et ainsi se mettre en position de force. Ne lui facilitez pas la tâche, ne lui donnez pas le bâton pour vous faire battre, faites passer vos erreurs et failles sous silence.
  • Notez les actes et paroles qu’il fait ou dit pour le mettre face à lui même lorsqu’il s’en défend.
    En tant que bon objet, pur et parfait, le pervers narcissique à horreur qu’on le mette à défaut. En général, lui pointer quelques fois objectivement ses manipulations et erreurs peut le faire fuir,  car soulever ses défauts vient percuter son déni et son clivage du moi donc il est probable que ce soit lui qui décide de vous évincer de sa vie.
  • Couper la relation.
    L
    a relation anaclitique dont nous avons beaucoup parlé rend les pervers narcissiques et leur complice comme un toxicomane et son produit. Donc le manque, la perte de SON objet est insupportable. Et Là, le pervers narcissique va mettre « tapis » et va se montrer plus pervers que jamais avec beaucoup de chantage affectif, mais il faudra tenir bon.Il va bientôt déprimer très fort et angoisser. Jusqu’à trouver un nouveau complice avec qui se sentir à nouveau exister.
  • Faire appel à un tiers.
    La relation est duelle et c’est donc noir ou blanc, vrai ou faux, il n’y a pas de demi-mesure. C’est l’autre qui a tort. Point barre. En faisant appel à une tiers personne, ça donne l’opportunité que l’on rassure le complice ou la victime sur le fait qu’il ne soit pas le mauvais objet. Le discours du pervers est entaché de doute et cela est bon pour tout le monde.
  • Faire appel à un professionnel.
    Et bien oui, pour analyser une situation dans laquelle on s’est embourbé inconsciemment ou parce que l’autre à été très fino, il est intéressant de venir analyser se qui se passe.Repérer les répétitions, les enjeux d’une relation et enfin trouver des actions que l’on souhaite mettre en place pour créer de nouvelles conséquences.

Si vous souhaitez plus de conseils et méthodes pour faire face à cette personnalité pathologique, je vous laisse ci après des sources très utiles : 

– P.-C. Racamier, Les perversions narcissiques (2012) Payot : https://amzn.to/2ys1UEx
– H. Vecchiali, Mettre les pervers échec et mat (2014) Marabout : https://amzn.to/2wWzuSF
– H. Searles, L’Effort pour rendre l’autre fou (2003) Folio : https://amzn.to/3brV7tc
– J.-C. Bouchoux, Les pervers narcissiques: Qui sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Comment leur échapper ? (2014) Pocket : https://amzn.to/2RRAIG4
– S.Freud, Névrose, psychose et perversion (2010) PUF : https://amzn.to/2KoXBww
– A. Eiguer, La perversion narcissique, un concept en évolution – Dans L’information psychiatrique 2008/3 (Volume 84), pages 193 à 199 : https://www.cairn.info/revue-l-inform…
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Thérapies à distance

La perversion

Sur cet article, vous allez trouver les bases qui vont être énoncées pour comprendre (dans un autre article) ce que sont les perversions narcissiques.

Je vais tâcher de vulgariser au maximum ce concept mais c’est un sujet vraiment très, très complexe…

Dans ce court article nous allons donc voir ce qu’est la perversion, quelles sont ses principales manifestations – pour le sujet pervers mais aussi pour son entourage, et nous illustrerons tout ça à l’aide de Jame Gumb aka « Buffalo Bill » le tueur pervers du silence des agneaux.

Qu’est-ce que c’est la perversion ?   

La perversion dans le Larousse est définit comme :

– L’action de corrompre une personne saine ou vulnérable,

  • La déviation des tendances normales (vous m’expliquerez ce qu’est la norme ça m’intéresse),
  • Et seulement en troisième définition : Pratique érotique d’un sujet dont les actes sont considérés comme immoraux ou antisociaux.

Vous constatez donc que, déjà dans le dictionnaire de la langue française, lorsqu’on parle de perversion on aborde 3 choses : La corruption d’un être, la déviation de la norme et le caractère sexuel.

En psychologie on va se décaler un petit peu de l’aspect normatif et de la bien-pensance pour donner à la perversion non plus un jugement de valeurs diabolisant comme cela à historiquement beaucoup été le cas, mais une lecture clinique et psychopathologique de cet agencement psychique.

On va donc avoir dans la perversion un rapport d’objet particulier, une angoisse et des défenses psychiques spécifiques.

La perversion fait partie des États-limites ou « Border-line » c’est à dire une astructuration entre la névrose et la psychose : Le sujet se situe DANS et À LA LIMITE des névroses et psychoses. Il peux puiser dans les défenses névrotiques comme psychotiques.

L’expression de la structure Borderline va se reconnaitre avec des manifestations majeures d’angoisse de perte d’objet, le symptôme principal en est la dépression et la relation d’objet est anaclitique, ce qui veut dire que le rapport à l’autre est du côté de la dépendance, de besoins impérieux d’un autre pour vivre ou se sentir exister.

Mais chez le pervers plus spécifiquement, Voici ce que nous allons principalement retrouver :

Un mécanisme de défense principal de Déni c’est à dire que le sujet refuse de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante tout en la reconnaissant (d’une certaine manière).

Une relation d’objet anaclitique comme évoqué plus haut ce qui veut dire que l’autre ne sera pas considéré comme une personne ou objet total mais un objet partiel qui n’a pour fonction uniquement d’être utile au sujet pervers.

Pour bien comprendre, ouvrons une parenthèse :

(Freud parle pour le bébé de « pervers polymorphe » cela veut dire deux choses : le plaisir sexuel est auto-centré il est vers soi et pas vers un autre ET il passe par d’autres zones que les zones génitales pour accéder au plaisir. Les pieds, la bouche, l’anus, la peau, etc. C’est un objet partiel où se fixe la libido et cela peut aller se symboliser à travers un objet réel comme c’est le cas dans le cas du fétiche )

Partant de ce principe, vous comprenez que le pervers est soit en régression, soit en fixation sur ce rapport au plaisir infantile (ce qui est normal dans le développement psycho-affectif chez l’enfant mais plus à l’âge adulte).

Du coup, Le problème face à une personnalité perverse c’est sa propension à utiliser l’autre comme simple objet de jouissance et de satisfaction. Il ne se préoccupe pas de ce que cela lui fait vivre, de quel serait son plaisir.

Là où pour le névrosé, accéder à une sexualité génitale – ce qui très grossièrement suppose de se préoccuper du désir et du plaisir de l’autre – le névrosé donc, prend en compte l’autre, peut le respecter et peut être en empathie avec lui. Pour le pervers, c’est sa jouissance personnelle qui prime sur le reste. C’est très infantile comme fonctionnement, donc c’est problématique chez l’adulte.

Autre point fondamental à aborder : le clivage du moiLe clivage du moi est le résultat d’une grande détresse chez le sujet. Comme nous l’avons dit plus tôt, un aspect du réel lui est insoutenable, il va donc nier ce réel. Mais en même temps… une partie de lui le sait.

En l’occurence, je vais résumer et vous faciliter la chose en vous disant que le pervers sait qu’il manque quelque chose dans le réel, que l’objet qu’il avait au départ idéalisé comme complet, parfait, immaculé est en fait manquant, défaillant, ne détient pas la toute puissance qu’il avait imaginé…

Et ÇA ! ÇA LE REND MALADE ! Le clivage du moi permet d’être dans le déni de ce manque et de chercher ce qui va venir combler, cacher, remplir ce manque !
Si on parle de manque, on doit parler de castration, c’est à dire de ce qui vient couper le sujet de sa pleine jouissance, ce qui vient se mettre en travers de l’accès parfait et illimité au plaisir et à l’objet de désir.

Quoi de mieux que la loi pour symboliser cette castration ? Quoi de mieux que l’interdit pour empêcher un sujet de jouïr sans entrave ??? Et bien justement ! Le pervers, la limite il s’en joue constamment !
Sa loi, ses règles, prévalent toujours sur les interdits et lois du commun des mortels. C’est un peu comme s’il se disait que votre castration il vous la laisse, lui, il mérite mieux que ça !

Etude de cas

Nous avons énoncer de nombreux aspects théoriques donc je vous propose à présent de profiter du cas de Jame Gumb (Buffalo Bill dans le silence des agneaux) pour passer à la pratique et que vous sachiez mieux repérer une structure perverse. Illustrons tout ça en vidéo :

À présent je pense que vous avez une bonne idée de ce qui caractérise la perversion au sens psychologique du terme. Mais n’oubliez pas qu’il est tout à fait possible de travailler sur ce que nous font vivre les pervers afin de ne plus en être les victimes de prêt ou de loin.
Pour se faire n’hésitez pas à consulter un thérapeute diplômé ou un psychologue… Et pourquoi pas grâce aux consultations à distances ?!?! 😉

Jérémie Gallen,
Psychologue et psychothérapeute en ligne

Sources :

– P.-C. Racamier, Les perversions narcissiques (2012) Payot : https://amzn.to/2ys1UEx

– H. Vecchiali, Mettre les pervers échec et mat (2014) Marabout : https://amzn.to/2wWzuSF

– H. Searles, L’Effort pour rendre l’autre fou (2003) Folio : https://amzn.to/3brV7tc

– J.-C. Bouchoux, Les pervers narcissiques: Qui sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Comment leur échapper ? (2014) Pocket : https://amzn.to/2RRAIG4

– S.Freud, Névrose, psychose et perversion (2010) PUF : https://amzn.to/2KoXBww

– A. Eiguer, La perversion narcissique, un concept en évolution – Dans L’information psychiatrique 2008/3 (Volume 84), pages 193 à 199 : https://www.cairn.info/revue-l-inform…

#troubledelapersonnalité #perversion #psychologie

 

En quoi le concept de castration est pertinent ?

Pour ce qui est de comprendre ce qu’est le concept de castration dans les grandes lignes, de comprendre globalement ce qu’il signifie dans la pensée freudienne et lacanienne, je vous invite à regarder la vidéo que j’ai faite en collaboration avec Kevin de La Psychothèque autour du film « Edward aux mains d’argent » :

Maintenant que vous avez compris les bases de ce concept, posons nous la question de ce que cela peut apporter dans un suivi thérapeutique.

Le thérapeute lui va voir quel est le rapport de son patient avec le manque, avec la perte ou le fait de ne pas posséder une qualité ou un objet. Comment s’en débrouille t-il (t-elle) ? Est-ce que ça fait souffrance ? Est-ce que cette insatisfaction amène le sujet à se démener pour chercher à être comblé ?
Nous avons également des indications sur ce qui semble le plus important pour notre patient dans son positionnement : Est-ce l’Être ou l’Avoir qui prévaut ? Cela aura des répercussions sur sa vie psychique et son rapport à autrui.

Là où je trouve que c’est intéressant, c’est de voir comment est-ce que pour certaines personnes, ne pas avoir quelque chose où ne pas être quelqu’un qui aurait telle ou telle qualité va créer un manque et qui dit manque dit : besoin, demande, désir.

Cela va donc aiguiller sur les besoins fondamentaux de l’individu, sur cette demande qui n’a pas pu être entendu auparavant en dehors des séances, sur ce désir inconscient qui rate toujours aussi bien dans son expression que dans assouvissement.

Notre travail consiste également à cette prise de conscience. Qu’avant d’être du côté du manque d’objet ou de qualité personnelle, la castration s’opère d’emblée dans le langage… Notre langue nous permet d’exprimer des demandes mais pas NOTRE demande. La langue permet d’exprimer des besoins, pas ce dont NOUS avons véritablement besoin. Il y a toujours un manque, un hiatus. Pour couronner le tout, nous sommes nous même incapable de connaitre spontanément notre sujet du désir…

« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez en comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre. » Bernard Werber

Nous devons le prendre en compte et l’accepter car cela fait partie de notre condition d’être humain.

 

Vous avez peut-être vu que nous avons fait un échange de conclusions dans nos vidéos avec la psychothèque, donc si vous voulez savoir pourquoi il en arrive à cette conclusion, voici son cheminement en vidéo et vous pourrez ainsi trouver ma conclusion en ce qui concerne la castration par Edward aux mains d’argent :

Sources :

 

Jérémie Gallen, psychologue et psychothérapeute en ligne.

Qu’est-ce que le Complexe d’Oedipe ?

Le complexe d’Oedipe est selon moi une des plus belle découverte du fonctionnement psychique.

Lorsque l’on comprend bien les conséquences que le complexe d’Oedipe implique sur la psyché d’un nourrisson et/ou d’un enfant il n’est pas étonnant de voir la résonance que ce concept – pourtant extrêmement décrié et attaqué par les nouvelles théories scientifiques – est à la base du principe de répétition, de la théorie de l’attachement de John Bowlby mais également de la thérapie des schémas.

Il n’est pas rare de voir fréquemment des psychologues, psychiatres ou chercheurs qui amènent une soi-disant idée thérapeutique révolutionnaire mais qui s’avère être un ersatz de concept préexistant dont ils auraient changé le nom et quelques aspects pour en dissimuler l’origine. Cela ne veut pas dire qu’il y ai une innovation pertinente au demeurant (comme la théorie de l’attachement et la thérapie des schémas justement) mais que cela ne marque pas une rupture avec la conception théorique initiale. Bref.

Ce que j’explique à mes étudiants de l’Université de Grenoble Alpes justement, ce n’est pas tant la partie théorique, que nous abordons rapidement mais plutôt l’aspect pratique, voire thérapeutique, que propose la mise en évidence d’un complexe oedipien.

Lorsque je rencontre mes patients, il s’engage un jeu dans lequel je dois « trouver le petit poucet » comme j’aime le dire. Rien de complexe. Il suffit de suivre les petits cailloux dispersés au sein du discours.
Chaque patient, chaque personne, chaque âme a une façon bien spécifique de déposer ses petits cailloux. Cela peut se faire par des répétitions de mots, de situations, d’actes, de champs lexicaux (souvent plusieurs à la fois) ce qui m’indique le chemin à suivre. Pour ma part, j’en fais part à mes patients de ce chemin qu’ils dessinent. Cela les surprend toujours de voir comment ils laissent des indices et cela donne également du sens pour la suite de la thérapie.

Il arrive même que les petits cailloux dans le discours tournent suffisamment autour du pot pour que cela dessine les contours d’un nom dit, à la manière des jeux pour enfants où il s’agit de relier des points pour dessiner une figure. Cela donne de bonnes indications sur les contenus refoulés ou les dénis.

Mais que vient faire Oedipe dans tout ça ? Et bien la tragédie de Sophocle nous indique une chose primordiale : Oedipe ne veut pas que les choses se déroulent ainsi, elles se passent malgré lui. Ce n’est pas lui qui veut tuer son père et coucher avec sa mère, il cherche à l’éviter. Mais cela se fait malgré toutes ses précautions… Inconsciemment. Au sens propre du terme.
Ce en quoi il avait déjà été inscrit dans le langage, se répète dans le futur.

Il en va de même pour nous autres. Qui que nous soyons.

Lorsque l’on est enfant, nous évoluons dans un milieu où il est question d’une « figure maternelle » (donc pas forcément une mère mais un objet de désir) et d’une « figure paternelle » (pas obligatoirement un père mais un tiers qui vient entre l’objet de désir et son accession). L’enfant va donc chercher à obtenir l’objet de plaisir/désir mais un tiers, d’une façon ou d’une autre va souvent se mettre en travers et empêcher cela.

Selon la configuration de ce système premier, l’enfant va tester diverses façon de faire avec ce tiers pour malgré tout obtenir l’objet l’objet de désir ou quelque chose de proche. Il peut mettre en place de l’agressivité, de la séduction, de la passivité, de la colère, etc.
Toutes ses tentatives ne fonctionneront pas mais à force d’essayer, l’enfant aura une tentative fructueuse. Comme nous l’indique si bien le comportementalisme, un comportement récompensé est un comportement qui va se répéter dans le temps. C’est ainsi qu’un complexe se crée.

Ce complexe va alors avoir tendance à s’extrapoler, sortir du cadre familial et être privilégié dans les nouvelles situations. Ce sera d’autant plus difficile de s’en défaire à chaque fois qu’il permettra à l’individu d’arriver à ses fins.

Problème : Les modes de résolutions de problèmes élaborés et mis en place dans l’enfance ne marchent que peu durant l’adolescence et l’âge adulte… Donc répéter un schéma infantile n’est pas une bonne solution. Il faut en sortir, trouver de nouvelles solutions plus élaborées.

Avant de conclure, je vous conseille de voir ma vidéo sur ce sujet et comment est-ce que le film Beetlejuice illustre très bien cette triangulation oedipienne :

Voilà en quoi est-ce que repérer un complexe oedipien est fondamental, il permet de constater que nous avions un outil performant pendant des années mais que dans le présent, il faut en changer et si possible, en changer dans chaque situation qui se présente !

Là se trouve la véritable adaptation dont doit faire preuve un esprit sain. Créer de nouvelles réponses à de nouveaux problèmes.

 

Sources :

 

Jérémie Gallen, psychologue et psychothérapeute en ligne

Mon Psy ne me croit pas (ou le diagnostic différentiel)

Vous est-il déjà arrivé de penser que votre psy ne vous croyait pas ? Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi votre psy pouvait montrer un désaccord avec vous ? Ou si vous n’avez encore jamais consulté, vous posez-vous la question : « Est-ce que ce psy ira bien dans mon sens ? »

Et bien sachez une chose, un bon psy doit être à votre écoute, prendre en compte votre « Réalité Psychique ». Mais cela ne veut pas dire qu’il doive acquiescer à tout ce que vous dites, pensez, imaginez ou faites. Le travail du psychologue (entre autres choses) va être de guider la pensée mais aussi de la stopper lorsqu’elle s’égare ou pire, va dans un sens négatif à votre avancée. Autant il peut être nécessaire parfois d’entendre l’intégralité d’une construction délirante, autant parfois, remettre immédiatement en question une conclusion paranoïde est nécessaire.

En dehors de quelques cas extrêmes, il m’arrive plus fréquemment en séances de devoir remettre en cause les certitudes de certains patients qui vont se donner une étiquette, s’auto-diagnostiquer. Ils le font pour de nombreuses raisons… Cela peut être pour moins réfléchir à leur propre fonctionnement ; pour des raisons identitaires ; pour des raisons de revendication de symptômes ; parce que quelqu’un de leur entourage les a ainsi étiqueté dans une interprétation sauvage ; parce qu’ils ont regardé sur internet (le plus gros problème à vrai dire et qui devient le plus fréquent).

 

Or, toutes ces personnes oublient une chose fondamentale : Le professionnel de santé a fait de nombreuses années d’études. Cela ne lui donne pas la science infuse, loin de là. Parfois même cela l’enferme dans des convictions contre productives, mais passons.

Le plus important selon moi en ce qui concerne le professionnel de santé, c’est qu’en dehors d’avoir un bagage théorique qui se trouve peu ou prou sur internet, il détient deux choses que ne peuvent pas avoir le quidam : l’expérience et la maîtrise du diagnostic différentiel.

L’expérience se passe de définition mais contribue chaque jour un peu plus à maîtriser et affiner son diagnostic différentiel. C’est donc encore plus essentiel.

Le diagnostic différentiel est un savoir, une connaissance et une méthode qui permet de différencier deux symptomatologies très proches mais qui diffèrent pourtant sur la pathologie en question, ses manifestations, ses conséquences et donc sa prise en charge. De même, nous confirmons moins souvent des diagnostics que nous en éliminons, c’est pour dire !

Vous comprenez donc qu’il est plutôt important que dans ce genre de situations votre psy n’ai pas à être en accord avec vous, voire, qu’il vous le fasse savoir.

Ce n’est donc pas que le professionnel ne vous croit pas, c’est qu’il est compétent et fait son métier !

N’hésitez pas à cliquer sur la petite vidéo que j’ai fait à ce sujet et qui apporte plus de précisions sur cette excellente question. Je me base sur un cas clinique que j’ai eu peu de temps avant de faire cette vidéo.

Jérémie Gallen, psychologue et psychothérapeute en ligne

La réalité psychique

Certainement LE concept le plus fondamental quand on est psychologue ou psychothérapeute !
Beaucoup l’oublie mais ce n’est pas dans les livres que se trouvent la réalité de nos patients mais bel et bien dans leur discours.

La vision que l’on a en tant que professionnel peut parfois nous faire oublier que nous avons tous un prisme ou un objectif différent à travers lequel nous observons et décryptons le monde. Comme on me le répétait souvent durant ma formation en hypnose ericksonienne : « La carte n’est pas le territoire« .

Or que se passe-t-il lorsqu’on discute avec une amie ou un proche ? L’autre se base sur son vécu, sur sa carte personnelle pour vous donner des conseils des clefs qui devraient vous aider, voire, vous donner la marche à suivre. Rares (mais elles existent) sont les personnes qui vont véritablement tâcher de se mettre dans la réalité de l’autre, de ne pas se pointer avec tous ses histoires et représentations personnelles.

Je ne pense pas que ce soit seulement une qualité innée, mais qu’elle s’acquiert si on fait le travail d’en prendre conscience… Et beaucoup de pratique.

La réalité psychique est fondamentale pour le professionnel de soin car elle rend compte de la subjectivité des individus. Si le professionnel passe à côté de cet aspect, nous pouvons dire qu’il passe à côté de l’essentiel de sa fonction : être centré sur le sujet. Il m’est arrivé dans ma pratique de constater qu’une personne avait été dévastée par la mort de son chien, un autre patient n’a montré que peu de réactions et d’empathie face à la mort d’un parent proche. Si, en tant que professionnel je ne fais que partir de mes représentations personnelles, je change de sujet avec la première pour insister avec le second. Cela aurait été une erreur grossière. L’une était véritablement en train de vivre un deuil, l’autre non.

J’illustre la réalité psychique et ses implications dans cette vidéo en m’appuyant notamment sur le film « Il faut sauver le soldat Ryan »

Se centrer sur le sujet et sur ses propres ressentis, émotions et cognitions est fondamental.

À l’inverse, parfois (assez fréquemment à vrai dire), notre travail nous amène à ce que les individus puissent prendre conscience de la réalité externe et l’intègrent davantage dans leur réalité psychique. Les réalités matérielles et biologiques constituent un environnement dans lequel nous devons nous adapter et évoluer car ces réalités là, elles, ne varieront pas (pu peu).
C’est aussi la différence entre principe de plaisir et principe de réalité introduits par Freud.

 

Dans cette courte vidéo en revanche, je fais la distinction entre ce que la réalité psychique – en tant que concept – sert pour le patient et le thérapeute.

Jérémie Gallen, psychologue et psychothérapeute en ligne

Sources :

Qu’est-ce que la Pulsion et à quoi ça sert ?

Je vais ici succinctement parler de la pulsion, un concept qui a été largement dépassé  (notamment par le concept de désir de Lacan) depuis sa théorisation par Freud mais qui est tout de même très utile aujourd’hui encore pour se repérer avec ses patients en séance.

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L’inconscient freudien, qu’est-ce que c’est ?

L’Inconscient comme savoir…

 

Dans ce premier article, vous verrez ma toute première vidéo qui date (déjà) de Juin 2015… À cette époque, vous verrez que je ne maîtrisais pas encore la vidéo (ni le son) comme aujourd’hui, mais j’assume mon passé qui fait pleinement partie de moi 😉
Bonne lecture et bon visionnage !

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