Comment devient-on fou ?

Comment devient-on fou ?

Le normal et le pathologique

La notion de « folie » est complexe et peut être interprétée de différentes manières selon les cultures, les époques et les sociétés. En psychiatrie, on parle souvent de « troubles mentaux » plutôt que de folie. Mais la limite entre normal et pathologique est si floue que depuis les travaux de Georges Canguilhem, personne n’arrive à la déterminer d’une façon claire et définitive. La différence entre ce qui est normal et ce qui est pathologique en termes de comportement ou de symptômes dépend de plusieurs facteurs, tels que le contexte culturel, les normes sociales et les critères diagnostiques utilisés dans le domaine médical.

En général, le comportement ou les symptômes sont considérés comme normaux s’ils ne causent pas de détresse significative ou de handicap fonctionnel à la personne qui les présente, et s’ils sont cohérents avec les attentes culturelles et sociales. Par exemple, il est normal de ressentir de la tristesse ou de l’anxiété à certaines occasions, comme la perte d’un être cher ou l’anticipation d’un événement stressant.

En revanche, si ces émotions deviennent envahissantes, durent plus longtemps que prévu ou entraînent une détresse significative ou un handicap fonctionnel, elles peuvent être considérées comme pathologiques. De même, certains comportements, tels que la consommation modérée d’alcool, peuvent être considérés comme normaux dans certaines cultures ou contextes, mais peuvent être considérés comme pathologiques s’ils deviennent excessifs ou entraînent des conséquences négatives pour la santé ou le fonctionnement social.

Dans le domaine médical, la différence entre normal et pathologique est souvent déterminée par des critères diagnostiques tels que ceux établis dans le Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux (DSM) ou la Classification internationale des maladies (CIM). Ces critères peuvent varier selon les troubles et les contextes, mais ils sont souvent basés sur des symptômes spécifiques, leur durée et leur impact sur le fonctionnement social et professionnel de la personne.

En résumé, la différence entre normal et pathologique dépend du contexte culturel, des normes sociales et des critères diagnostiques utilisés. En général, les comportements ou symptômes sont considérés comme normaux s’ils sont cohérents avec les attentes culturelles et sociales, ne causent pas de détresse significative et ne nuisent pas au fonctionnement social et professionnel. En revanche, s’ils deviennent excessifs, envahissants ou entraînent une détresse significative ou un handicap fonctionnel, ils peuvent être considérés comme pathologiques.

Facteurs psychopathogènes

Les troubles mentaux peuvent être causés par une combinaison de facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux. Voici donc quelques exemples de facteurs qui peuvent contribuer à l’apparition de troubles mentaux :

  1. Les facteurs biologiques :
    Des déséquilibres chimiques ou hormonaux, des prédispositions génétiques, des maladies ou des traumatismes cérébraux peuvent affecter le fonctionnement du cerveau et contribuer au développement de troubles mentaux. La prise de toxique est également un facteur qui vient déséquilibrer le psychisme.
  2. Les facteurs psychologiques :
    Des expériences traumatisantes, des conflits émotionnels non résolus, une faible estime de soi, des troubles de l’attachement ou des troubles de la personnalité peuvent tous contribuer à l’apparition de troubles mentaux. Des stress majeurs vont ainsi provoquer une décompensation de la structure psychique d’un individu qui jusqu’alors était en équilibre.
  3. Facteurs environnementaux :
    Le stress chronique, la pauvreté, la violence, la discrimination, la toxicomanie ou l’alcoolisme peuvent tous contribuer à l’apparition de troubles mentaux.

Il est important de souligner que les troubles mentaux sont des affections médicales qui peuvent être traitées et gérées avec une psychothérapie en présentiel ou à distance. Il est également important de noter que les personnes atteintes de troubles mentaux peuvent mener des vies productives et satisfaisantes avec un traitement et un soutien appropriés.

Sait-on lorsqu’on devient fou ?

Il n’y a pas de réponse simple à cette question car l’expérience de la « folie » ou des troubles mentaux peut varier considérablement d’une personne à l’autre, en fonction du type de trouble et de son intensité. Cependant, dans certains cas, il est possible pour une personne de percevoir les signes avant-coureurs de l’apparition de symptômes de troubles mentaux.

Les signes avant-coureurs peuvent varier selon les troubles mentaux, mais certains peuvent inclure :

  • Des changements dans les habitudes de sommeil ou d’alimentation
  • Des sentiments persistants de tristesse, d’anxiété ou d’irritabilité
  • Des difficultés à se concentrer ou à se souvenir des choses
  • Des pensées ou des comportements inhabituels ou impulsifs
  • Des changements dans la perception de la réalité, tels que des hallucinations ou des idées délirantes
  • Des difficultés à gérer les activités quotidiennes ou à maintenir des relations sociales.

Cependant, il est important de noter que les signes avant-coureurs ne sont pas toujours évidents et que certaines personnes peuvent ne pas reconnaître les changements dans leur comportement ou leur état mental. En outre, les troubles mentaux peuvent se développer lentement au fil du temps, ce qui peut rendre difficile la distinction entre ce qui est normal et ce qui ne l’est pas.

Si vous pensez que vous ou un proche présentez des signes avant-coureurs de troubles mentaux, il est important de chercher de l’aide auprès d’un psychologue ou un psychiatre dès que possible. Le traitement précoce peut aider à prévenir l’aggravation des symptômes et à améliorer les résultats à long terme.

Pour aller plus loin :
– C. Quétel, Histoire de la folie de l’antiquité à nos jours (2013) Editions Tallandier : https://amzn.to/2KBqeuc
– P. Brenot, Le Génie et la Folie (2011) Odile Jacob : https://amzn.to/3bPHjM6
– G. Canguilhem, Le normal et le pathologique (1943) Quadrige PUF : https://amzn.to/3sDWjm5

L’interprétation en thérapie

Après une définition de ce qu’est l’interprétation en psychothérapie, nous allons voir si elle est propre à la psychologie, comment et sur quoi s’appuie une interprétation fiable et pertinente et surtout a-t-elle une valeur thérapeutique pour les patients ?

Tout au long de ce questionnement, je vais illustrer chaque point grâce au film Watchmen de Zack Snider car vous allez voir comment nous allons y rencontrer différentes interprétations, différentes ré-interprétations et les conséquences que cela va avoir pour les protagonistes. 

Qu’est-ce que l’interprétation ?

Pour le Larousse, « Interpréter » c’est expliquer, ou donner un sens à un discours ou un récit.Pour ma part, j’avance dès à présent une première subtilité à cette définition pour qu’elle s’applique davantage à la définition psychologique de l’interprétation : Il ne s’agit pas tant de « donner » un sens, mais de « prêter » un sens.Cette précision est fondamentale et nous en reparlerons plus tard, mais je veux dès à présent casser le caractère définitif que pourrai revêtir l’interprétation en rappelant qu’elle n’est toujours qu’hypothèse.

Si l’on se réfère au « Vocabulaire de la psychanalyse » de Laplanche et Pontalis on trouve la définition suivante :

Dégagement, par l’investigation analytique, du sens latent dans le dire et les conduites d’un sujet. L’interprétation met à jour les modalités du conflit défensif et vise en dernier ressort le désir qui se formule dans toute production de l’inconscient.

Dans la cure, communication faite au sujet et visant à le faire accéder à ce sens latent selon les règles commandées par la direction et l’évolution de la cure. 

Cela pose plusieurs bases importantes de l’interprétation :

l’interprétation ne doit pas sortir de nul part, mais bien d’une investigation précise et fondée, par l’analyse des manifestations concrètes du conflit psychique

Son moyen est de traduire un fait que le sujet n’a pu traduire par lui-même sur ses motivations, fantasmes et désirs propres

Son but est d’ouvrir un nouveau champ des possibles pour faire progresser la cureOn constate donc que l’interprétation à plusieurs valeurs, dont celle de respecter une méthodologie stricte et d’avoir une vertu thérapeutique.
On verra ça un peu plus loin en détail mais si une interprétation n’a pas ces deux valeurs minimum, autant se taire.
Par conséquent, Cela m’amène à deux idées reçues sur l’interprétation en psychanalyse :Un, elle ne peut être fréquente, car elle répond à une technique précise et qui ne se produit pas toutes les trois phrases de nos patients… Donc non, le psychologue et le psychanalyste n’interprètent pas à tout bout de champDeuxièmement, nous avons bien plus souvent affaire aux interprétations de nos patients qu’à celles du professionnel

 

Est-ce que l’interprétation est le propre de la psychologie ?

Bien sûr que non, elle est le fait de formuler une hypothèse et en aucun cas une vérité donc elle est appliquée et applicable à toute pratique et rapport humain.Dans le film Watchmen, on peut voir que toute la logique du film tourne autour de l’interprétation. Tout le monde se pose des questions et interprète ce qu’il se passe à la lumière des rares éléments en leur possession- Que ce soit les américains et les russes sur leurs motivations nucléaires
– Les Watchmens sur les motivations du Dr Manhattan
– La population sur le moment de l’apocalypse
– Rorschach sur les motivations du tueur de Watchmen
– Les Watchmen de façon générale interprètent la place qui devrait être la leur dans une société qui les pousse à se cacher et cesser toute activité

Dans une simple discussion, notre cerveau et notre sensibilité se conjuguent sans cesse pour interpréter notre environnement et ce qui nous est adressé. Nous sommes des êtres qui passent leur vie entière à interpréter le monde qui nous entoure pour lui donner un sens et il est constant que face à de nouvelles informations objectives ou subjectives nous ré-interprétions sans cesse ce que nous avions interprété au préalable.

Lorsqu’on se forme à un domaine particulier nous passons d’une interprétation non plus instinctive mais disons professionnelle. Que ce soit un médecin, un architecte, un boulanger, un maçon ou autre, le professionnel part toujours de l’analyse d’un certain nombre de données pertinentes de son domaine pour interpréter et s’adapter à la marche futur à suivre. L’expertise et l’expérience du professionnel vont donc l’amener à échafauder des interprétations de son milieu ou du problème de plus en plus précises mais sans jamais garantir que la première interprétation soit la bonne.

Il devra parfois ré-interpréter la situation pour une solution adéquat.

On voit donc très simplement que interprétations et ré-interprétations sont un outils personnels et professionnels que tout le monde utilise afin de s’adapter positivement à une situation.

Dernier exemple, le plus probant, l’analyse d’oeuvres artistiques. Quelle que soit l’oeuvre, nous savons pertinemment que son analyse et ses interprétations sont le fruit de notre connaissance de ce domaine, de son rapport aux autres productions, de son contexte, des émotions qu’elle suscite en nous et bien d’autres facteurs.

Mais une chose est certaine, je ne peux décemment pas avoir une analyse et une interprétation aussi précise et fondée qu’un critique d’art sur un tableau x ou y. Face à son interprétation de la jeune fille à la perle de Vermeer, je ferai certainement mieux de me taire. Mais disons que face à une interprétation que je porterai à un de mes patients, le critique d’art n’aurait certainement pas son mot à dire.

 

Est-ce que l’interprétation n’est utilisée qu’en psychanalyse ?

Ici encore, la réponse est non.Dans le film Watchmen, même si le personnage de Rorshcach est analysé au moyen de tests projectifs ce qui est à la fois un clin d’oeil et un stéréotype, ce n’est pas l’interprétation du psychiatre qui est la plus intéressante dans le film.Des interprétations plus importantes sont mises en avant et n’ont rien à voir avec de la psychanalyse.

Nous avons affaire à des interprétations
– politiques,
– médicales
– éthiques
– scientifiques et j’en passe

Cependant j’attire votre attention sur deux interprétations personnelles qui sont faites dans le film aussi bien par deux personnages que laissés en suspend pour le spectateur :

Il s’agit de la recherche liée à la filiation du spectre soyeux ET des raisons pour lesquelles Rorschach s’est tant ancré dans un fonctionnement obsessionnel pathologique.

Le psychologue, quelle que soit son orientation théorique, se base chaque jour, à chaque séance, sur son interprétation du matériel clinique à sa disposition. Tout d’abord pour ce qui concerne le diagnostic clinique.
Croire qu’en séance les patients nous énumèrent les signes cliniques du DSM est bien loin de la réalité.

Nos patients montrent quelques défenses, telle ou telle angoisse, tel ou tel rapport d’objet et c’est avec tous ces éléments parfois contradictoires que l’on doit interpréter la question diagnostique. Vous voyez que comme je le disais plus tôt, l’interprétation est davantage de l’ordre d’une hypothèse à valider ou infirmer que d’une vérité définitive.

Après, prenons pour exemple un psychologue cognitivo-comportementaliste, durant son suivi.

Il est dans l’obligation d’interpréter quels sont les liens positifs, neutres ou pathologiques entre pensées, émotions et comportement. Il le fait depuis son interprétation du discours de son patient qui lui même interprète son fonctionnement.

Comme tout psychologue clinicien qui se respecte, le psychologue TCC va donc devoir interpréter, proposer, calibrer, ré-interpréter et réajuster son intervention. En tout cas, quand il fait bien le job…

Parce que là je peux pas m’empêcher de penser aux psys qui disent à l’avance combien de séances il va y avoir à leurs patients, ce qui est la meilleure preuve que le psy en question ne compte certainement pas les écouter mais administrer son protocole de but en blanc quoi qu’il arrive…

Enfin, j’insiste sur ce qui me semble être le point le plus important à prendre en considération : L’interprétation est le plus souvent, l’interprétation du patient.

En tant que psychologue, psychothérapeute ou psychanalyste, nous devons régulièrement remettre en question si ce n’est stopper net certaines interprétations de nos patients qui leur sont délétères. Face à une interprétation complètement erronée qui témoigne seulement de mécanismes de défenses, d’enfermement dans des schémas ou de biais cognitifs flagrants, briser la première interprétation afin d’en faire émerger de nouvelles est primordial. 

 

Sur quelles données s’appuie  une interprétation ?

Dans Watchmen, l’intrigue est similaire à une enquête. L’enquête de Rorschach. En ce sens, elle nous est présentée par son point de vue, or, c’est la 35ème fois que je le dis : « Toutes les vérités auxquelles nous tenons…

À l’instar d’une enquête policière, Rorschach recherche les pistes, les signes et preuves qui vont le mener petit à petit à interpréter des faits, des actes et de façon plus générale, son environnement. Même si a plusieurs moments ses interprétations vont reposer sur quelques biais cognitifs, il finira malgré tout à remanier et ré-interpréter les choses pour parvenir à son coupable…

Son interprétation nous indique donc qu’elle ne se fait pas de façon aléatoire, mais suis une méthodologie, ce qui lui permet de ne pas en faire une certitude, mais un objet mouvant et sensible aux variations des données en sa possession.


Avant de parler de la méthodologie propre à la formulation d’une interprétation solide et pertinente en psychothérapie, il est nécessaire d’aborder le concept de « psychanalyse sauvage ».

Cela renvoi au texte « De la psychanalyse sauvage » de Freud qui en 1910 écrit un court texte riche d’enseignements sur l’interprétation. Dans ce texte, il prend l’exemple d’un médecin ayant donné une interprétation à sa patiente, laquelle s’est tout de suite braquée contre l’interprétation en elle-même et contre son médecin.

Celui-ci aurait selon Freud bafoué les deux règles inhérentes à une bonne interprétation :
– Un, Ne pas attendre que le patient parvienne lui-même à proximité de ce qu’il a refoulé
  Deuxièmement, qu’il n’y ai pas un transfert positif suffisant du patient envers son médecin, ce que l’on peut traduire par le fait que le patient n’a pas eu le temps d’accorder un savoir suffisant à son médecin.

Une interprétation sauvage est donc une interprétation hâtive, qui ne s’appuie sur rien ou pas grand chose et que le patient ne peut sous tendre et lier à des faits objectifs.

Piera Aulagnier, psychiatre et psychanalyste française, parle par exemple de « violence de l’interprétation » et Ester Bick, psychanalyste britannique nous encourage à ne surtout pas « sauter dans des interprétations ».

Vers la fin du texte de Freud sur la psychanalyse sauvage, celui-ci nous rappelle encore « Sans compter du reste que, parfois, on devine faux et qu’on n’est jamais à même de tout deviner ».

Tout cela pour souligner qu’une interprétation est le fruit d’un travail sérieux et méthodique qui se prépare avant d’être prêté à un patient.

L’interprétation en psychologie et en psychanalyse se doit de s’appuyer sur un faisceau de signes cliniques significatifs et objectivants ; d’éléments du langage verbal et non verbal ; d’actes et comportements ; sur des manifestations que le patient perçoit ou tend à percevoir

Sans cela, nous ne sommes pas dans une interprétation mais plutôt une « analyse sauvage »

La méthodologie de l’interprétation est de collecter un certain nombre de données dans le discours, les actes ou projections d’un sujet pour sous-tendre un sens plus profond, moins facile à s’avouer, que l’on rejetterai de prime abord alors que tout dans notre discours et nos actes le clame « haut et fort ». Pour rappel, le patient lui aussi nous donne souvent des interprétations que, pour des raisons éthiques et thérapeutiques, nous devons parfois réfuter.

Collecter les éléments de discours, les manifestations, tous les éléments qui justifient une interprétation et ne la proposer que lorsque le transfert est établi avec un patient proche d’une conclusion similaire, voilà ce qui sous tend une interprétation en séance.

 

Est-ce que l’interprétation est thérapeutique ?

Quand on se pose la question de l’effet thérapeutique de l’interprétation, ça pose la question « quoi d’autre serait thérapeutique » ? Quelles que soient les thérapies le but est toujours le même, notre patient vient avec une représentation du monde qui le fait souffrir, cela impacte ses cognitions, émotions ou comportements c’est à dire un symptôme qui vient pour tenter de rendre la chose plus supportable.Quelle que soit la thérapie, prêter une autre interprétation, qu’elle soit analytique, cognitive, systémique ou comportementale permet au patient de faire ce premier pas de côté vers SA ré-interprétation et SON repositionnement en tant que sujet.

En ce sens, on ne peut pas dire que l’interprétation émanant du psychologue ne soit thérapeutique. Aussi précise et juste soit-elle l’interprétation n’est pas thérapeutique car elle peut s’évaporer ou n’avoir aucune consistance pour le patient. Ce qui est thérapeutique c’est la ré-interprétation du sujet. Lorsque celui-ci prête une valeur à une interprétation, qu’il la laisse venir faire son travail de bousculer la certitude symptomatique.

Là où le film nous éclaire le plus, c’est sur cet aspect purement subjectif de l’interprétation et comment celle-ci peut à la fois être inacceptable, voire, pathologique ou alors, être thérapeutique car elle vient résoudre une problématique interne. Watchmen est fantastique pour illustrer ces deux possibles :

– Lorsque le sens final est dévoilé, Rorschach n’accepte pas d’adhérer à l’interprétation que lui propose de faire OzzyMandias. Il ne peut accepter cette interprétation qui lui est prêtée. Il garde sa souffrance, il garde son symptôme. Rien ne va changer dans la vision qui est la sienne. Cette scène me mets d’ailleurs un énorme doute sur mon hypothèse structurelle de Rorschach, je ne sais pas si on a un obsessionnel de compétition ou un paranoïaque… Les éléments de la scène de fin viennent bousculer mon interprétation première…

– De l’autre côté, nous avons trois personnages différents qui étaient malades au préalable de l’acte d’OzzyMandias, et de l’interprétation qu’ils en avaient. Cette interprétation leur était tout bonnement intolérable… Puis OzzyMandias leur propose son interprétation. Aussi difficile que cela puisse l’être, le Spectre soyeux, le Docteur Manhattan et le hiboux finissent, non sans mal, à accepter cette nouvelle interprétation.

Cela leur fait ré-interpréter leur positionnement et leur vécu. Cela change surtout la façon qu’ils vont avoir de vivre.

On sent leur douleur, l’impossibilité de vivre avec un tel poids s’ils ne viennent pas à bout de ce grand méchant…

Pour finalement l’accepter et très bien vivre leur vie par la suite… Chose dont n’a pas pu être capable Rorschach.

Chaque patient entendra l’interprétation de son psy comme une hypothèse à laquelle il va nouer un sens. Son sens. L’interprétation doit faire RÉ-agir. Dans un agir autre. Voilà ce que fait l’interprétation.

Le patient opère un pas de côté, ré-interprète son symptôme dans un nouveau champ de possibles. Les barrières sont repoussées et c’est lui qui peut alors décider et trouver une nouvelle voie à son symptôme. Que cela nécessite un nouveau comportement, une nouvelle gestion d’émotion, un nouveau rapport à soi, un nouveau rapport à l’autre.

L’interprétation n’est pas thérapeutique, c’est la porte qu’elle ouvre au patient qui l’est.

Rappelez vous que l’être humain n’est cognitivement pas capable de se représenter le monde tel qu’il est dans le réel. Il n’y a donc pas pour lui nécessité à coller à une vérité universelle. Cela ne serait en rien thérapeutique. Ce sont les représentations que chacun se fait de son environnement et des événements qui alternent entre représentations supportables et représentations pathologiques. Pas les faits objectifs. Notre propre interprétation est la source de notre souffrance psychique.

La ré-interprétation est la clé d’une vie psychique apaisée.

 

Qui critique la pertinence de l’interprétation ?

Il est de bon ton aujourd’hui pour certains « experts » auto-proclamés de remettre en question la pertinence de l’interprétation psychanalytique.Ces personnes qui – la plupart du temps ne sont pas cliniciens, c’est à dire qu’ils n’ont pas de patients et n’assurent donc pas de suivi psychothérapeutique – cherchent à véhiculer l’idée que l’interprétation est le fait de chercher un sens à tout prix, là où, il n’y en aurait pas et quand bien même il y en aurait un, cela n’aurait pas de valeur.Ils se basent sur des croyances théoriques selon lesquelles des méthodes clefs en main, adaptées à tous et universelles, pourraient être administrées telle des traitements pharmaceutiques et venir en aide à toute la population. Travailler auprès de vrais patients et non de cohortes balaye instantanément ce genre de critiques et croyances intenables dès la première rencontre avec une vraie personne en souffrance.

C’est cocasse mais dans le film c’est la représentation même de l’interprétation de la projection et de l’interprétation qui est dans l’incapacité de faire preuve de souplesse psychique. En croyant à tout prix qu’il n’existe que LA vérité, une vérité pure et objective à laquelle se soumettre, Rorschach est aveuglé et ne souhaite pas voir le plus important.

L’être humain est tel que les faits objectifs n’ont que peu de valeur sur sa pensée. Il est davantage dominé par ses croyances et émotions que par la logique. Il oublie donc que ce n’est pas la logique de l’être humain qui le sauve mais sa spécificité sensible et subjective.

C’est ça qui sauve chaque sujet, rien d’autre.

Tout être humain en souffrance cherche un sens à ses actes, comportements et à sa vie en général. Lui ôter ça, ne pas l’accompagner dans cette recherche revient tout simplement à ne pas l’écouter et juger immédiatement de ce qui serait le mieux pour lui. Rien à voir donc avec le travail de psychologue quel que soit son référentiel théorique.

Nous avons encore affaire à des critiques projectives et non de professionnels de terrain.

Ils confondent l’interprétation sauvage avec l’interprétation comme outil psychothérapeutique par manque de connaissance et d’expérience. Cette critique faite à la cure psychanalytique est encore et toujours véhiculée par des personnes qui revendiquent un savoir et une expérience qu’ils n’ont tout simplement pas.

 

Pour conclure

Pour conclure, je rappellerai que l’interprétation est un outil universel qui nous permet de représenter notre monde interne et le monde externe. Parfois, l’interprétation nous sauve, parfois elle est douloureuse. Chaque personne doit donc se rappeler le caractère hypothétique de ses interprétations et être prêt à la ré-interprétation personnelle.

Comme évoqué, l’interprétation d’un tiers amène une ré-interprétation personnelle. C’est vraiment pour cette raison qu’une interprétation doit-être méthodique, bienveillante et justifiée dans le temps et la relation. 

C’est ce qui fait la différence entre une interprétation à visée thérapeutique et une interprétation sauvage qui peut parfois mener à des représentations liberticides et pathogènes.

Dr Manhatan dans Watchmen nous est présenté comme un demi dieu mais lui aussi pointe sa limite : « Je peux changer à peu près n’importe quoi, mais la nature humaine je ne peux la changer »

Pour voir la vidéo de ce concept d’interprétation, cliquez ici

Pour aller plus loin :

– B. Chervet (sous la direction de), L’interprétation – Puf (2012) : https://amzn.to/3ahUTqH

– P. Ricoeur, De l’interprétation – Essais(1995) : https://amzn.to/3nnHGAj

– S. Freud, De la psychanalyse sauvage – Editions In Press (1910) : https://amzn.to/2LtgeD9

– S.Freud, Du maniement de l’interprétation du rêve en psychanalyse – Editions In Press (1911) : https://amzn.to/3oS9zkq

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La Maladie d’Alzheimer

Commençons par une définition de la maladie d’Alzheimer :

La maladie d’Alzheimer est une maladie neuro-évolutive, qui se traduit principalement par des troubles de la mémoire et de l’orientation dans le temps et l’espace. À ce jour, il existe 1,2 millions de personnes malades en France dont 35 000 ont moins de 65 ans. C’est 225 000 nouveaux cas par an rien qu’en France alors que nous n’avons toujours pas de traitement curatif.

C’est le fait que notre mémoire et nos évolutions dans notre environnement constituent notre identité, notre personnalité et notre autonomie qui fait que cette maladie nous fait peur, nous avons tous conscience que ce soit pour nous ou nos proches que la maladie fait perdre ce que nous sommes pour nous, mais aussi pour les autres.

Quels sont les signes principaux de la maladie ?

Troubles de la mémoire :

  • Mémoire à court terme
    C’est ce qui assure le maintien de l’information pendant un temps limité. Avec la maladie, la capacité à garder une information quelques secondes ou à l’enregistrer est altérée et cela va forcément impacter les autres mémoires.
     
  • La mémoire épisodique
    Elle permet l’enregistrement d’informations nouvelles associées à un moment et un lieu. C’est la mémoire qui restaure le souvenir d’événements vécus personnellement est donc emprunt d’émotions. Au début de la maladie, la personne ne pourra plus faire entrer de nouveaux souvenirs mais pourra restituer ceux déjà mémorisés. Puis, elle perdra leur accès, des souvenirs les plus récents vers les plus anciens.
     
  • La mémoire sémantique
    Ces sont nos connaissances culturelles. La personne ne sait plus où et quand cette information a été apprise ce qui par conséquent rend difficile l’enregistrement de nouvelles connaissances et l’accès à sa culture générale.

Autres troubles cognitifs :

Les troubles du langage
Il s’agit aussi bien de l’émission et de la réception du langage. Le vocabulaire s’amenuise et certains mots phonétiquement proches (bateau à la place de gâteau) sont substitués. Le langage peut finir par se réduire à des phrases automatiques.

Les fonctions exécutives
Ce sont les aspects de la pensée de haut niveau indispensables à la vie : se concentrer, planifier, raisonner et s’adapter. Avec la progression de la maladie les fonctions exécutives diminuent en efficience, la personne aura tendance à abandonner progressivement les tâches liées à ces ressources.

Les gestes élaborés
Boutonner sa chemise par exemple devient difficile à réaliser. La motricité élémentaire quant à elle est longtemps préservée dans les formes habituelles de la maladie.

Les troubles de la reconnaissance
Ils empêchent la reconnaissance visuelle, olfactive, auditive et même au toucher. On ne peut qu’imaginer à quel point cela aussi puisse être anxiogène.

Parallèlement aux troubles cognitifs vont apparaître des Troubles de l’humeur et du comportement :

Ils peuvent être la conséquence des lésions neurologiques mais aussi de la prise de conscience des troubles cognitifs. Tristesse, pessimisme, dévalorisation… La personne malade se décourage, pleure, pense qu’elle n’a pas d’avenir, qu’elle est un fardeau pour ses proches et évoque même parfois le désir de mourir.

De brusques changements d’humeur peuvent aussi survenir. La personne malade passe du chaud au froid et du froid au chaud en quelques instants et sans raison apparente. Cela se traduit par des crises de colère ou encore des difficultés à supporter des choses banales. Un simple retard à un rendez-vous peut provoquer une réaction de catastrophe.

Agressivité, déambulation, désinhibition, les troubles du comportement, eux, peuvent s’exprimer ou non durant la maladie. Ils sont la conséquence directe des lésions cérébrales mais leur expression et leur intensité peuvent être influencées par des facteurs environnementaux.

La Désorientation spatio-temporelle :

La personne malade peut aussi perdre progressivement ses repères dans le temps et dans l’espace. Même s’il existe des supports pour palier un temps à ces désorientations, ceux-ci ne peuvent aider la personne que jusqu’à un certain point de la maladie.

Il est important de comprendre que tous ses troubles ne se manifestent pas d’emblée. La maladie va se déclarer plus ou moins sur un plan ou un autre, et évoluer à différente vitesse selon les individus. Globalement, nous parlons de 3 stades d’évolution :

  • STADE LÉGER

Environ 25% de l’hippocampe diminue en volume et le lien entre mémoire à court terme et à long terme se fait plus difficilement. La personne a des oublis bénins de noms ou d’événements récents qui s’intensifient avec le temps.

  • STADE MODÉRÉ

D’autres zones du cerveau sont touchées, ce qui engendre des troubles des gestes, du langage et de la reconnaissance. La personne a besoin d’une aide pour certaines activités (se déplacer, gérer son budget, faire à manger, etc.).

  • STADE SÉVÈRE

Les lésions progressent et la récupération en mémoire des informations et événements passés est quasiment impossible. La personne a perdu son autonomie pour presque tous les actes de sa vie quotidienne.

Une question vient alors

QUELLES EN SONT LES CAUSES ET COMMENT LES PRÉVENIR ?

À ce jour, les chercheurs n’ont pas déterminé la ou les causes de l’installation de ces lésions. Le consensus se porte sur des causes pluri-factorielles.

Les facteurs biologiques peuvent être génétiques ou physiologiques, liés au développement de pathologies comme l’hypertension ou le diabète.

Les facteurs comportementaux concernent, eux, l’histoire de vie de chaque individu: son niveau d’étude, ses habitudes alimentaires, sa consommation de tabac et d’alcool.

Vous comprenez donc que face à une maladie sans traitement curatif et aussi impactante, la question de l’accompagnement est centrale.

C’est justement ce que France Alzheimer et maladies apparentées ont à coeur :

Proximité, accompagnement et inclusivité

  • Proximité :

Grâce à aux associations départementales et aux 2200 bénévoles, il existe une véritable proximité et un travail de terrain. L’ensemble des associations sont à l’écoute des familles et de leurs besoins en se trouvant à leur portée.

Cette proximité avec les personnes malades et les aidants permet de connaître les besoins et les attentes des familles, mais aussi de comprendre leur quotidien et leurs difficultés

  • Accompagnement :

Le travail de l’association montre tout le potentiel des activités stimulant les fonctions cognitives et sensorielles des personnes malades. Leurs familles, elles, doivent avoir un accompagnement sur-mesure qui leur permette de s’adapter aux différents stades de la maladie et de prendre de nécessaires temps de répit.

L’association accompagne les personnes malades, les aidants et les familles durant toutes les étapes de la maladie, en leur proposant des activités adaptées et une aide précieuse et diverse.

  • Inclusivité :

Tournée vers l’inclusivité, l’association France Alzheimer et maladies apparentées lutte contre toute forme de préjugés. La peur ou l’ignorance nous rend parfois impuissants ou mal à l’aise vis-à-vis de celles et ceux qui ne nous demandent qu’un peu de bienveillance.

Changer de regard sur la maladie, c’est aider les personnes concernées à poursuivre leurs activités sociales ou civiques. Changer de regard sur la maladie, c’est lutter contre les tabous qui empêchent des familles entières d’organiser leur parcours de soins, leur parcours de vie.

Face à une maladie terriblement anxiogène, l’association se bat contre les préjugés qui enferment et isolent, contre les peurs qui conduisent les personnes malades à retarder leur diagnostic, contre les tabous qui empêchent des familles entières de poursuivre leurs activités sociales ou civiques.

Les actions menées par les associations :

  • Sensibiliser l’opinion et les pouvoirs publics

L’association se mobilise et porte la voix des familles sur de nombreux sujets relatifs à la prise en soins des personnes malades et à l’accompagnement de leurs proches aidants.

  • Contribuer au progrès de la recherche

Cela passe par des projets de recherche innovants et prometteurs afin de faire avancer les connaissances scientifiques et médicales et ainsi mettre au point des traitements spécifiques et efficaces.

  • Former les professionnels de santé

Parce que lutter contre la maladie d’Alzheimer et les maladies apparentées, l’Institut France Alzheimer forme les professionnels qui accompagnent les personnes malades en perte d’autonomie.

  • Accompagner et soutenir les familles

Un malade, c’est toute une famille qui a besoin d’aide. Tout le réseau France Alzheimer et maladies apparentées, propose des solutions adaptées, à chaque étape de la maladie.

Jérémie Gallen,
psychologue clinicien,
psychothérapeute en ligne

Pour aller plus loin :

France Alzheimer, 100 idées pour accompagner un malade d’Alzheimer : Des centaines de conseils pratiques pour faciliter le quotidien de la personne malade et de son accompagnant (2015), Editions Tom Pousse

C. Lefevre et F. Pitteri, J’aide un proche atteint de la maladie d’Alzheimer – 23 fiches d’activités au quotidien: 23 fiches d’activités psychomotrices au quotidien (2018), Dunod

O. Engasser et A. Quaderi, Méthodologie des ateliers thérapeutiques auprès des patients atteints de la maladie d’Alzheimer et maladies apparentées (2016), In Press

B. Dubois, Alzheimer: La vérité sur la maladie du siècle (2019), Grasset

Le Trouble de la personnalité borderline

Dans cet article nous allons découvrir les signes cliniques spécifiques aux borderlines,  mais aussi et c’est pour le coup très important pour le traitement qui va s’ensuivre, les comorbidités fréquentes, c’est à dire les troubles fréquemment associés et le diagnostic différentiel le plus commun (Comme d’habitude, toutes les sources se trouvent en fin d’article). Nous illustrerons tout cela, comme toujours, avec un cas clinique tiré du cinéma et donc aujourd’hui, je vous conseille fortement d’avoir vu Mommy de Xavier Dolan avant de lire cet article car je vais devoir spoiler ce chef-d’oeuvre de bout en bout. Mais vraiment… je vais spoiler jusqu’à la dernière seconde du film…

 

Si l’on se réfère à la Classification International des Maladies (CIM-10), le trouble de la personnalité borderline fait partie des personnalités émotionnellement labiles.

Selon cette classification, cela veut dire, je cite : « une tendance nette à agir de façon impulsive et sans considération pour les conséquences possibles, une humeur imprévisible et capricieuse, une tendance aux explosions émotionnelles et une difficulté à contrôler les comportements impulsifs, une tendance à adopter un comportement querelleur et à entrer en conflit avec les autres, particulièrement lorsque les actes impulsifs sont contrariés ou empêchés. »

Si vous suivez bien les vidéos de la chaîne, ces caractéristiques devraient vous faire immédiatement penser aux « Va te faire suivre » numéros 27, 28, 29 et 30 DONC aux personnalités relevant d’une structure qui n’est ni névrotique, ni psychotique mais bien d’un état-limite.

Vous comprenez donc mieux pourquoi le diagnostic différentiel sera important.

La classification International des Maladies caractérise plus précisément le trouble de la personnalité borderline par :

  • des perturbations de l’image de soi,
  • des perturbations de l’établissement de projets et des préférences personnelles,
  • par un sentiment chronique de vide intérieur,
  • par des relations interpersonnelles intenses et instables et
  • par une tendance à adopter un comportement autodestructeur, comprenant des tentatives de suicide et des gestes suicidaires.

Avec tout le respect que j’ai pour cette classification, quand on reçoit en séance des personnalités borderline et quand on s’intéresse à une littérature plus large, on se rend vite compte qu’il manque ici une caractéristique majeure : l’Angoisse d’abandon.

Beaucoup d’auteurs se sont d’ailleurs servi des travaux de la psychologue et psychanalyste suisse Germaine Guex et de ses travaux depuis 1950 sur ce qu’elle appelait la névrose d’abandon pour rendre compte de la phénoménologie des états limites puis du Borderline.

Parler de la personnalité borderline sans aborder spécifiquement son rapport à l’abandon est une erreur qui justement va encore jouer en notre défaveur sur le plan diagnostic, donc aux caractéristiques précédemment cités.
Prenons la liberté de rajouter les manifestations d’angoisse d’abandon. Vous allez comprendre que cela est important pour le diagnostic différentiel.

Alors, concrètement, comment est-ce que tout cela va se manifester chez le sujet ?

  • Les perturbations de l’image de soi, C’est un aspect très important de la personnalité du borderline, la perturbation de l’image de soi fait que la personne n’a pas suffisamment d’assises sur ce qu’elle pense être en tant que personne, mais aussi, pour et par rapport aux autres.
    Vous pouvez donc la voir tantôt un jour fonctionner d’une manière et un autre fois de façon complètement différente.Et nous touchons là à un point que je souhaite absolument que vous gardiez en mémoire concernant le borderline : les objets externes ont une importance bien plus grande que les objets internes ! Pour rappel selon le référentiel psychodynamique les objets sont à la fois des objets physiques, des personnes, des caractéristiques ou des qualités.Nous pouvons donc investir des objets, les projeter, les intégrer, les cliver etc. etc.Donc vous comprenez bien ce que cela veut dire pour les perturbations de l’image de soi : l’individu sera tributaire de ce que lui dit ou fait ressentir son environnement plutôt que de se référer à ce que lui-même pense de lui ou de ce qu’il ressent.

    La personne ne peut pas s’appuyer sur son image de soi, sur ses émotions, sur ses pensées mais préfère plutôt porter du crédit et une importance faussée au caractère incertain et fluctuant que lui prête son environnement.

     

  • Perturbations de l’établissement de projets et des préférences personnelles, Dans la continuité de ce que l’on vient d’évoquer, cela joue particulièrement aussi sur ce que la personne borderline projette de son avenir.Les projets sont aussi soumis aux fluctuations du discours environnant, de l’image que cela renvoie de lui, des émotions que ça procure aux uns, aux autres et à lui-même…
    C’est un peu comme si rien ne pouvait vraiment s’ancrer dans le sujet et qu’il était toujours balloté au grès des vents, des marais et de la houle…
  • Sentiment chronique de vide intérieur, Ici déjà nous pouvons faire un lien avec l’angoisse majeure d’abandon et ses conséquences.Comme évoqué, l’ancrage dans une identité forte fait défaut. Le sujet borderline va sans cesse chercher à l’extérieur ce qui devrait le constituer de l’intérieur. Mais vu que rien ne tient jamais, c’est le lourd sentiment de vide et souvent même de solitude qui domine.Ce qui fait normalement nos objets internes n’a pas de persistance suffisante et le borderline va sans cesse chercher à intégrer de nouveaux objets pour lui donner consistance, valeur et confiance. 
  • Relations interpersonnelles intenses et instables Ici encore nous allons parler des objets précédemment cités.Pour le borderline, l’autre est un objet qui dit quelque chose de lui : « Si cette personne qui a tant de qualités est avec moi, c’est bien que j’ai des qualités et de la valeur ! »Les objets externes sont extrêmement polarisés, ils sont soit de très bons objets idéalisés et vus comme parfaits ; Soit de mauvais objets qu’il rejette, dont il ne voit, perçoit, rien de bon.Et oui, c’est bien la même chose pour les personnes. Elles vont souvent être complètement idéalisés tant que les émotions, les cognitions et autres expériences seront bonnes à ses côtés.

    Une fois qu’un individu fait vivre une mauvaise expérience au borderline, il devient très facilement mauvais objet ou au moins cela va créer une déception extrêmement forte.

     

  • Comportements autodestructeurs (tentatives de suicide / gestes suicidaires).Imaginez que vos relations ne soient pas stables, que vous avez souvent le sentiment d’être vide de l’intérieur, que vos amis ou activité vous déçoivent, que vous ne savez pas exactement qui vous êtes et comment vous fonctionnez…Beaucoup vont donc choisir de vivre des expériences extrêmes et douloureuses pour maitriser un tant soit peu de leurs sensations et émotions. On va donc avoir des mises en danger, des scarification, de la toxicomanie qui sont également des sensations et émotions que l’on va pouvoir rejouer pour mieux les intégrer.Dans le pire des cas, les tentatives de suicides se présentent également comme la solution pour faire stopper toutes les souffrances et incompréhensions.Malheureusement ses actes ont plus quelque chose à voir avec l’impulsivité du borderline par rapport à ses ressenties et émotions qu’a un réel projet mûrit à long terme.

     

  • Angoisse d’abandonElle va se manifester aussi bien sur des interprétations réelles que fantasmatique, c’est à dire qu’un éloignement réel va être très difficile à vivre mais qu’un éloignement imaginaire va apporter les mêmes difficultés émotionnelles.Le borderline va presque modeler sa vie, agir en fonction de l’angoisse d’abandon. Tout va être fait pour ne pas être abandonné, le faux self aura notamment comme objectif de se faire accepter. On peut avoir des comportements de validations perpétuels sans jamais se positionner contre… Mais lorsque l’abandon sera plus où moins ressenti, le borderline aura toujours la même réaction impulsive : sa réaction infantile.Et ça c’est un vrai problème car lorsqu’il agit avec impulsivité sur un mode infantile, ça va rarement être la bonne réaction, le bon comportement, à la situation dans laquelle il se trouve.Du coup, on va avoir une auto-réalisation des prophéties avec bel et bien des abandons. Le borderline, va comme toujours accorder une importance démesurée aux éléments externes et valider sa croyance que l’autre l’abandonne alors que c’est dans la grande majorité des cas pour des causes internes qu’il subit un abandon.

    C’est donc une flagrante erreur de locus de contrôle (c’est à dire placer la cause au mauvais endroit) mais c’est clairement consécutif et défensif pour sauver l’image du moi.

    Vous voyez, chez le borderline, tout est lié et la boucle est bouclée.

Cas Clinique

Je vous propose à présent de nous intéresser à Steve O’connor Desprès, personnage de 15 ans dans le film Mommy de 2014 de Xavier Nolan.

Steve est immédiatement dépeint dans le film comme un garçon hyperactif qui vivait dans un centre de rééducation mais qui suite à des comportements dangereux et inappropriés envers autrui va devoir être récupéré par sa mère.

Je parle ici de son diagnostic qui est mis en avant car beaucoup de psychiatres et psychologues ont depuis repris cela dans plusieurs articles de blogs en disant que Steve était hyperactif avec un trouble oppositionnel…

Je vais vous expliquer en me basant exactement sur ses faits et gestes en quoi c’est insuffisant selon moi et dans un second temps, la partie diagnostic différentiel nous permettra d’être encore plus précis.

Ce qui est frappant chez Steve c’est qu’a aucun moment dans le film il n’est montré avec des amis ou en compagnie de personnes de son âge. Steve semble en difficulté pour lier des relations en revanche avec chaque personne qu’il rencontre. C’est justement ce qui est mis en scène avec la voisine Kyla qui est pourtant là pour l’aider. Il ne montre pas de gratitude envers elle, bien au contraire.

Irrespectueux envers Kyla, il devient finalement très respectueux et lui fait des déclarations régulières. Cette femme a réussi ce que beaucoup ne parviennent pas à faire avec Steve : gagner sa confiance et son respect – après si tout le monde doit le menacer jusqu’à ce qu’il se pisse dessus (littéralement dans le film) pour gagner son respect, on pourrait peut être travailler sur le rapport à l’autre et les enjeux relationnels.

Quoi qu’il en soit, il y a un aspect important dans la relation avec Kyla pour qu’elle finisse par devenir un bon objet : c’est qu’au départ, elle n’est pas un mauvais objet. Steve montre qu’il la trouve séduisante, elle ne lui fait pas d’ombre envers sa mère, elle a une faille visible, ou plutôt audible d’ailleurs. Pour Steve, Kyla est un objet ni bon, ni mauvais en soi, mais un objet qu’il pourrait convoiter et utiliser à ses fins. Ce n’est que plus tard qu’il va donc l’accepter comme femme digne de respect et qu’il va véritablement investir.

Ce n’est absolument pas le cas avec Paul, ce voisin qui pourrait professionnellement venir en aide à steve face à tous ses problèmes. Paul est vue par Steve seulement comme un mauvais objet. Sa mère tâche de lui expliquer à plusieurs reprises qu’ils ont besoin de lui pour l’aider dans son avenir, en faisant ça, on comprend que sa mère sait que Steve ne perçoit Paul que comme quelqu’un de néfaste, mais tente de lui faire entendre qu’il doit finir par le voir comme un sujet ambivalent. C’est à dire « oui, tu ne l’aime pas MAIS il n’est pas que mauvais, il y a aussi du bon ».

Steve ne parviendra pas à accéder à cette notion fondamentale et l’objet restera très polarisé négativement. Steve décidera d’abord de montrer encore plus d’amour à sa mère que ne peut lui en montrer ce concurrent qu’il minimise avant de péter les plombs et se laisser emporter par ses émotions. Il parvient ici à faire un coup double : évincer le concurrent et rester l’objet d’amour unique de sa mère. Enfin bon, ça se discute… Mais, on comprend bien que le bénéfice numéro 1 est de ne pas vivre un sentiment d’abandon.

Parlons à présent de la scène ou Steve embrasse sa mère sur la bouche… Est-ce qu’un enfant ayant un TDAH ferait ça ? Il ne faut pas confondre hyperactivité ET impulsivité, ce sont deux choses différentes. Ici, Steve témoigne de son manque de repères (sans mauvais jeu de mot) et c’est bien sur l’impulsion d’une tension libidinale (dira t-on pour rester prudent) qu’il se laisse aller à ce que ses ressentis lui dictent.

Last but not least, les comportements suicidaires de Steve : Pas besoin de faire un dessin, au détour d’une simple conversation dans un supermarché, il change de rayon pour trouver un couteau et se tailler les veines, ce qui en terme d’impulsivité est quand même difficile à battre… Et tant qu’à spoiler le film de A à Z et bien oui, il fait peu de doute que la fin du film se conclut sur une tentative de nouveau record de saut en longueur… Nous ne pouvons pas penser autre chose que le fait qu’il se défenestre.

Impulsivité, besoin d’amour, besoin d’être rassuré, clivage de l’objet, angoisse de perte d’objet, tentatives de suicides, tout dans le discours et le comportement de Steve nous montre une personnalité franchement borderline.

Alors ? Est-ce que mes confrères et consoeurs ont tort de dire que Steve a un Trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité ? Abordons à présent le diagnostic différentiel et les comorbidités du trouble de la personnalité borderline. 

 

Diagnostic Différentiel

On ne va seulement aborder que 2 troubles qui méritent franchement d’être distingués du trouble borderline : le trouble bipolaire et le trouble anxieux.

Le trouble bipolaire  

Il y a deux différences fondamentales entre le trouble bipolaire et le trouble borderline :
Les changements d’humeur du borderline sont rapides et sont surtout consécutifs de l’environnement. Le bipolaire, lui, va avoir des épisodes maniaques massifs, c’est à dire très forts en intensité et en durée, suivi d’épisodes dépressifs tout aussi massifs en intensité et en durée. Et là, ce sera clairement dû à des phénomènes internes du sujet.

Trouble anxieux

Vous pourrez toujours distinguer le borderline du trouble anxieux car la trame anxieuse du borderline tourne le plus souvent autour des questions relationnels, d’acceptation, de rejet, de confiance en soi et d’abandon. Le trouble anxieux lui, ne se cantonne pas seulement à ces dynamiques interpersonnelles.

 

Comorbidités

À présent voyons trois comorbidités extrêmement fréquentes pour le borderline : la dépression, le trouble anxieux et le TDAH !

Il est très simple de comprendre que face aux difficultés relationnelles récurrentes et persistantes du borderline, ainsi que son sentiment de vide intérieur chronique, celui-ci soit très souvent déprimé.

Nous allons également souvent retrouver un trouble anxieux en plus d’un trouble borderline car comme évoqué plusieurs fois, le borderline est extrêmement perméable à son environnement. Puisque les objets internes ne sont pas suffisamment étayants, suffisamment stable, trop d’importance est donnée à l’environnement et celui-ci est souvent assimilé comme persécuteur et anxiogène.

Enfin le trouble du déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité.

La comorbidité entre TDAH et trouble borderline est très forte. Un étude suédoise de 2018 ayant porté sur plus de 2,1 millions de personnes diagnostiqués entre 1997 et 2013 indique que les personnes présentant un TDAH ont 19,4 fois plus de chance que des non TDAH d’avoir un trouble de la personnalité borderline.

Dans une autre étude de 2011, des chercheurs ont quant à eux évalué que l’étiologie partagée (génétique – environnement) entre les symptômes du trouble borderline et du TDAH est une cause probable de la comorbidité des deux troubles.

Thérapie :

Les psychothérapies du trouble borderline sont aujourd’hui estimée comme efficaces. De nombreux articles en attestes. De même pour les traitements médicamenteux qui ont une efficacité prouvé lorsque la fenêtre optimale a été atteinte. Enfin, et bien évidemment, les meilleurs résultats à long termes se présentent lorsque l’on a un traitement médicamenteux additionnée à une psychothérapie.

Alors ? Est-ce que mes confrères et consoeurs ont tort lorsqu’ils disent que Steve est atteint d’un TDAH ? Où est-ce moi qui ai tort en maintenant qu’il a un trouble borderline ?

Et bien nous avons tous raison mais ce n’est pas du côté de diagnostic différentiel qu’il faut se positionner mais de la comorbidité. C’est à dire que oui, on peut avoir un bureau de tabac et la syphilis…

Steve a un trouble de la personnalité borderline ET un TDAH. Mais selon moi, la question de la personnalité est primordiale sur la question secondaire d’une manifestation de trouble de l’attention.

Tout le monde ne sera pas d’accord avec ce point de vue et tant mieux. Mais Cliniquement, je repère davantage de bénéfices thérapeutiques à soigner le trouble Borderline de Steve que son TDAH.

Dans la mesure où un psychologue travaillera mieux sur un trouble de la personnalité que sur un trouble plus neurodéveloppemental, je pars du principe que le bénéfice psychothérapeutique sera supérieur, et sur du plus long terme, en aidant Steve dans son rapport à l’autre, dans la construction d’une image de soi stable, en travaillant sur son angoisse d’abandon et en puisant des ressources internes et non soumises aux facteurs externes.


Pour aller plus loin :

M. Corcos ; A. Pham-Scottez ; M. Speranza, Troubles de la personnalité borderline à l’adolescence (2013), Dunod 

A. Tortosa, Le trouble de la personnalité borderline : L’état limite, diagnostic et traitements. Victime de ses émotions (2011), Editions Archilogue 

S. Kolly ; P. Charbon ; U. Kramer, Trouble de la personnalité borderline – Pratiques thérapeutiques: Pratiques Therapeutiques (2019), Elsevier

D. Ducasse ; V. Brand-Arpon, Borderline: Cahier pratique de thérapie à domicile (2017), Odile Jacob 

C. Musa, Mieux vivre avec un trouble borderline (2019), Dunod 

– TDAH et Borderline : https://www.nature.com/articles/s41380-018-0248-5

– Facteurs génétiques et environnementaux des TDAH et Borderlines : https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1002/ajmg.b.31226

– Efficacité des traitements : https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/17541052/

– https://www.cambridge.org/core/journals/the-british-journal-of-psychiatry/article/transferencefocused-psychotherapy-v-treatment-by-community-psychotherapists-for-borderline-personality-disorder-randomised-controlled-trial/0F703220DA3A6669FC6B3C5B0433FA4B#

#borderline #troubleborderline #psychologie

Les Pervers Narcissiques

Pour bien comprendre ce que sont les pervers narcissiques et leur fonctionnement, je vous conseille de vous rendre en premier lieu sur l’article précédent qui explique les bases de la structure perverse.

Dans cet article en trois parties, je vais vous expliquer quelles sont les spécificités cliniques et psychopathologiques du pervers Narcissique, nous étudierons un cas clinique par le biais de Fletcher, le chef d’orchestre pervers narcissique de l’extraordinaire film de Damien Chazelle : Whiplash, et enfin je vous donnerai les bases de la « self-défense psychique » pour vous défendre face aux pervers narcissiques !

Reprenons très rapidement les bases de la perversion :

  • Relation d’objet anaclitique
    Ce qui veut dire que le rapport à l’autre est du côté de la dépendance, du besoin impérieux de l’autre pour vivre ou se sentir exister ET que l’autre ne sera pas considéré comme une personne ou objet total mais un objet partiel qui a uniquement pour fonction d’être utile au sujet pervers.
  • Un mécanisme de défense principal qui est le Déni
    Nous avions donc vu à quel point le pervers ne voulait pas accepter une partie du réel, un manque qui lui est insupportable
  • Le clivage du moi
    Pour fonctionner face et avec l’autre, le pervers va cacher une part de lui en ayant une partie tout à fait adaptée voire, sociable ET une partie complètement séparée qui assouvie d’abord et avant tout ses pulsions et désirs sans se soucier d’autrui.

Et bien chez le PERVERS… NARCISSIQUE nous avons tous ces éléments de la perversion ET ceux plus spécifiques d’un trouble majeur de la personnalité narcissique !

Pour le psychiatre Alberto Eiguer, la perversion narcissique allie 2 éléments : la destructivité et la compromission d’une autre psyché, ce qu’il appelle l’ « extraterritorialité », le sujet cherche la « résolution externe de ses conflits internes« .

Vous voyez que c’est très anaclytique comme fonctionnement, il s’appuie clairement sur l’autre dans un rapport de dépendance / manipulation / voire harcèlement. Alberto Eiguer nous parle encore de forme de perversion morale là où pour d’autres perversions il va souvent s’agir de perversion sexuelle. Il ajoute que c’est « une extrême du narcissisme« .

Pour les pervers narcissique, on peut vraiment penser que l’objet dont il sont castrés, ce qui leur manque, ce qui leur est absolument insupportable, c’est l’estime véritable de soi.

Ils ont une très mauvaise image de soi, vraiment négative. Du coup, Si le pervers narcissique fonctionne sur du déni, du clivage du moi, une angoisse de castration et un rapport d’objet anaclitique… Qu’est-ce que ça peut impliquer comme comportement défensif ?

1 – Déni :
Il va nier sa mauvaise estime de lui, grâce au déni, il va justement montrer une grande confiance en lui, il confond son moi idéal avec l’image du moi, ce qui peut donner lieu à des pensées, des discours et des positionnements mégalomaniaques.

Il est dans le déni de ses propres difficultés, de sa culpabilité, de ses peurs et angoisses.

Comme nous le présentions dans l’article précédent, le pervers a un fonctionnement très infantil. Donc comme dans une cours de récréation, nous avons affaire à un enfant qui nous dit : « C’est pas moi, même pas peur et même pas vrai !« 

2 – Clivage du moi :

Comme déjà évoqué, le pervers déni une part du réel tout en en ayant conscience.

Donc pour tenir face à cette image de soi extrêmement blessée, le pervers narcissique a une partie qui pourrait accepter que oui, il a une blessure narcissique profonde mais « NON, je ne veux pas le voir et je vais agir comme si ce n’était pas le cas« .

Il va donc plutôt mettre en avant sa partie de l’idéal du moi, se poser en référence, en « être non castré » ou parfait et sans manque si vous préférez et rares seront celles et ceux qui auront accès à l’autre partie clivée du moi.

C’est un secret extrêmement bien gardé.

Ce clivage du moi va également jouer sur un aspect assez technique des défenses du moi : La projection.

La projection est une défense typiquement névrotique qui signifie le fait qu’une pensée, une émotion ou un acte que je ne tolère pas en moi, je le projette chez l’autre. C’est pourquoi avec le pervers narcissique tout ce que l’autre fait est volontaire et mal intentionné.

(c’est une déformation du réel)

« Si je suis en retard ce n’est absolument pas de ma faute mais parce que ce matin tu ne m’as pas préparé mon café, j’ai perdu du temps car tu es trop égoiste pour avoir pensé à moi !« 

La projection est la défense qui rend compte de ce qu’évoque le Docteur Eiguer quant à la résolution externe des conflits internes.

3 – Angoisse de perte d’objet :

Elle se situe vraiment autours du narcissisme. « J’ai une blessure narcissique très profonde mais je tente par tous les moyens de la restaurer« .

Ce qui est insupportable au pervers narcissique c’est de voir que l’autre ait une bonne image de soi, une joie de vivre, que ce soit une bonne et belle personne.

Et Ça, ça pointe très exactement ce qui lui manque. C’est lui montrer ce qu’il convoite, lui montrer quelque chose qu’il n’a pas et qu’il cherche pourtant coûte que coûte de tout son être. Il le cherche et en même temps fait croire qu’il l’a qu’il possède cette bonne image face à quiconque.

C’est là que se situe parfois le délire de grandeur, il s’invente une place supérieure pour ne pas voir à chaque fois que cette place est fausse ou perdue.

Symboliquement, on peut représenter comme « fétiche« , ce serait un peu le narcissisme des autres qu’il souhaite démolir pour l’en ôter lui aussi ou mieux, se le procurer. Ce qui nous amène très logiquement à la

4 – Relation analclitique :

Les pervers narcissiques vont obligatoirement avoir besoin d’un autre pour se sentir exister, tâcher de se faire idolâtrer, pour le mettre plus bas que terre et ainsi se sentir au dessus. L’autre est son objet par lequel il va obtenir jouissance.

Dans la littérature, il y a un terme qui revient beaucoup et qui est tout à fait significatif, c’est le fait de vampiriser. Comme un vampire, le pervers narcissique ne peut vivre sans un autre qui le nourrit. Si le vampire ne boit pas le sang de ses victimes, il meurt, pour les pervers narcissiques c’est pareil. Si l’autre n’est pas là pour lui fournir ses qualités, accepter la culpabilité, la faute ou être le mauvais objet à sa place, le pervers narcissique s’effondre et s’efforcera de trouver un nouveau complice.

Oui je parle de « complice » et non pas de victime tout comme l’évoque Alberto et vous comprendrez mieux pourquoi à la fin de cet article…

 

5 – Le respect des règles :

Pour le pervers narcissique comme pour le pervers, le rapport à la loi est problématique. Mais celui-ci va très souvent chercher à faire entendre que la loi est stupide, inutile voire, néfaste.

C’est très spécifique de ce fonctionnement. SA règle À LUI est mieux puisqu’elle est plus intelligente, plus logique. Mais ça ne prend en compte que son point de vue et ses bénéfices personnels.

Il va donc toujours dépasser des règles sociales ou judiciaires. Mais pas pour se faire prendre et punir non. Juste suffisamment pour que s’il se fasse prendre, il ait un simple rappel à l’ordre ou aucune possibilité de payer le prix fort de ses actes. C’est un don. Ces gens connaissent les lois par coeur ainsi que tous les vides juridiques dans lesquels évoluer.

Étude de cas

Essayons à présent de repérer ces 5 critères ainsi que d’autres manifestations significatives dans une étude de cas à travers le personnage de Fletcher dans le film Whiplash :

Comment Agir face à un pervers narcissique ? 

Comme évoqué plus tôt, vous avez vu que j’ai préféré employer le terme de « complice » du pervers narcissique plutôt que de « victime » car il faut savoir que certaines structures de personnalité sont plus propices à ce qu’un pervers narcissique se serve d’eux comme objet. Attention, cela ne veut pas dire que le ou la complice doive t-être culpabilisé et le pervers narcissique disculpé de ses actes. NON. Cela veut dire que plutôt que d’adopter une position passive de victime qui n’apporte rien de bon, analyser en quoi est-ce que l’on a pu être complice des abus de l’autre peut nous permettre d’être actif, moteur des changements que l’on va décider d’opérer, pour se sortir de cette emprise.

Donc qu’est-il possible d’analyser, de conscientiser, de mettre en place pour prendre le dessus sur une personnalité perverse narcissique ? Est-ce que ça m’appartient ou est-ce lui qui me le projette dessus ? C’est à dire est-ce que j’ai vraiment quelque chose à voir avec ce qu’il me reproche ou c’est de son problème dont il s’agit ?Le pervers narcissique ne reconnait rien de négatif en lui donc il le projette. En relevant ce qui n’a rien avoir avec moi, je conserve MA limite et pas la sienne.

  • Cela est particulièrement vrai au travail. Lorsqu’un supérieur hiérarchique fait le gentil, vous tutoies et demande à ce que vous le tutoyez également, rentre dans le domaine privé et personnel… Si c’est un pervers narcissique, il saura utiliser tout cela pour un bon retour de manivelle. En restant dans votre limite et pas celle du pervers narcissique, vous vous protégez de ce qu’il pourrait garder en mémoire pour vous mettre en situation délicate et plus tard, vous faire passer pour le mauvais objet.
  • Ne pas partager ses failles
    Comme avec Fletcher dans notre cas clinique, le pervers narcissique sait reconnaitre les failles chez les sujets, c’est un excellent observateur. Il trouvera vos failles pour les mettre au grand jour et ainsi se mettre en position de force. Ne lui facilitez pas la tâche, ne lui donnez pas le bâton pour vous faire battre, faites passer vos erreurs et failles sous silence.
  • Notez les actes et paroles qu’il fait ou dit pour le mettre face à lui même lorsqu’il s’en défend.
    En tant que bon objet, pur et parfait, le pervers narcissique à horreur qu’on le mette à défaut. En général, lui pointer quelques fois objectivement ses manipulations et erreurs peut le faire fuir,  car soulever ses défauts vient percuter son déni et son clivage du moi donc il est probable que ce soit lui qui décide de vous évincer de sa vie.
  • Couper la relation.
    L
    a relation anaclitique dont nous avons beaucoup parlé rend les pervers narcissiques et leur complice comme un toxicomane et son produit. Donc le manque, la perte de SON objet est insupportable. Et Là, le pervers narcissique va mettre « tapis » et va se montrer plus pervers que jamais avec beaucoup de chantage affectif, mais il faudra tenir bon.Il va bientôt déprimer très fort et angoisser. Jusqu’à trouver un nouveau complice avec qui se sentir à nouveau exister.
  • Faire appel à un tiers.
    La relation est duelle et c’est donc noir ou blanc, vrai ou faux, il n’y a pas de demi-mesure. C’est l’autre qui a tort. Point barre. En faisant appel à une tiers personne, ça donne l’opportunité que l’on rassure le complice ou la victime sur le fait qu’il ne soit pas le mauvais objet. Le discours du pervers est entaché de doute et cela est bon pour tout le monde.
  • Faire appel à un professionnel.
    Et bien oui, pour analyser une situation dans laquelle on s’est embourbé inconsciemment ou parce que l’autre à été très fino, il est intéressant de venir analyser se qui se passe.Repérer les répétitions, les enjeux d’une relation et enfin trouver des actions que l’on souhaite mettre en place pour créer de nouvelles conséquences.

Si vous souhaitez plus de conseils et méthodes pour faire face à cette personnalité pathologique, je vous laisse ci après des sources très utiles : 

– P.-C. Racamier, Les perversions narcissiques (2012) Payot : https://amzn.to/2ys1UEx
– H. Vecchiali, Mettre les pervers échec et mat (2014) Marabout : https://amzn.to/2wWzuSF
– H. Searles, L’Effort pour rendre l’autre fou (2003) Folio : https://amzn.to/3brV7tc
– J.-C. Bouchoux, Les pervers narcissiques: Qui sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Comment leur échapper ? (2014) Pocket : https://amzn.to/2RRAIG4
– S.Freud, Névrose, psychose et perversion (2010) PUF : https://amzn.to/2KoXBww
– A. Eiguer, La perversion narcissique, un concept en évolution – Dans L’information psychiatrique 2008/3 (Volume 84), pages 193 à 199 : https://www.cairn.info/revue-l-inform…
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Psychologue clinicien en ligne
Thérapies à distance

La perversion

Sur cet article, vous allez trouver les bases qui vont être énoncées pour comprendre (dans un autre article) ce que sont les perversions narcissiques.

Je vais tâcher de vulgariser au maximum ce concept mais c’est un sujet vraiment très, très complexe…

Dans ce court article nous allons donc voir ce qu’est la perversion, quelles sont ses principales manifestations – pour le sujet pervers mais aussi pour son entourage, et nous illustrerons tout ça à l’aide de Jame Gumb aka « Buffalo Bill » le tueur pervers du silence des agneaux.

Qu’est-ce que c’est la perversion ?   

La perversion dans le Larousse est définit comme :

– L’action de corrompre une personne saine ou vulnérable,

  • La déviation des tendances normales (vous m’expliquerez ce qu’est la norme ça m’intéresse),
  • Et seulement en troisième définition : Pratique érotique d’un sujet dont les actes sont considérés comme immoraux ou antisociaux.

Vous constatez donc que, déjà dans le dictionnaire de la langue française, lorsqu’on parle de perversion on aborde 3 choses : La corruption d’un être, la déviation de la norme et le caractère sexuel.

En psychologie on va se décaler un petit peu de l’aspect normatif et de la bien-pensance pour donner à la perversion non plus un jugement de valeurs diabolisant comme cela à historiquement beaucoup été le cas, mais une lecture clinique et psychopathologique de cet agencement psychique.

On va donc avoir dans la perversion un rapport d’objet particulier, une angoisse et des défenses psychiques spécifiques.

La perversion fait partie des États-limites ou « Border-line » c’est à dire une astructuration entre la névrose et la psychose : Le sujet se situe DANS et À LA LIMITE des névroses et psychoses. Il peux puiser dans les défenses névrotiques comme psychotiques.

L’expression de la structure Borderline va se reconnaitre avec des manifestations majeures d’angoisse de perte d’objet, le symptôme principal en est la dépression et la relation d’objet est anaclitique, ce qui veut dire que le rapport à l’autre est du côté de la dépendance, de besoins impérieux d’un autre pour vivre ou se sentir exister.

Mais chez le pervers plus spécifiquement, Voici ce que nous allons principalement retrouver :

Un mécanisme de défense principal de Déni c’est à dire que le sujet refuse de reconnaître la réalité d’une perception traumatisante tout en la reconnaissant (d’une certaine manière).

Une relation d’objet anaclitique comme évoqué plus haut ce qui veut dire que l’autre ne sera pas considéré comme une personne ou objet total mais un objet partiel qui n’a pour fonction uniquement d’être utile au sujet pervers.

Pour bien comprendre, ouvrons une parenthèse :

(Freud parle pour le bébé de « pervers polymorphe » cela veut dire deux choses : le plaisir sexuel est auto-centré il est vers soi et pas vers un autre ET il passe par d’autres zones que les zones génitales pour accéder au plaisir. Les pieds, la bouche, l’anus, la peau, etc. C’est un objet partiel où se fixe la libido et cela peut aller se symboliser à travers un objet réel comme c’est le cas dans le cas du fétiche )

Partant de ce principe, vous comprenez que le pervers est soit en régression, soit en fixation sur ce rapport au plaisir infantile (ce qui est normal dans le développement psycho-affectif chez l’enfant mais plus à l’âge adulte).

Du coup, Le problème face à une personnalité perverse c’est sa propension à utiliser l’autre comme simple objet de jouissance et de satisfaction. Il ne se préoccupe pas de ce que cela lui fait vivre, de quel serait son plaisir.

Là où pour le névrosé, accéder à une sexualité génitale – ce qui très grossièrement suppose de se préoccuper du désir et du plaisir de l’autre – le névrosé donc, prend en compte l’autre, peut le respecter et peut être en empathie avec lui. Pour le pervers, c’est sa jouissance personnelle qui prime sur le reste. C’est très infantile comme fonctionnement, donc c’est problématique chez l’adulte.

Autre point fondamental à aborder : le clivage du moiLe clivage du moi est le résultat d’une grande détresse chez le sujet. Comme nous l’avons dit plus tôt, un aspect du réel lui est insoutenable, il va donc nier ce réel. Mais en même temps… une partie de lui le sait.

En l’occurence, je vais résumer et vous faciliter la chose en vous disant que le pervers sait qu’il manque quelque chose dans le réel, que l’objet qu’il avait au départ idéalisé comme complet, parfait, immaculé est en fait manquant, défaillant, ne détient pas la toute puissance qu’il avait imaginé…

Et ÇA ! ÇA LE REND MALADE ! Le clivage du moi permet d’être dans le déni de ce manque et de chercher ce qui va venir combler, cacher, remplir ce manque !
Si on parle de manque, on doit parler de castration, c’est à dire de ce qui vient couper le sujet de sa pleine jouissance, ce qui vient se mettre en travers de l’accès parfait et illimité au plaisir et à l’objet de désir.

Quoi de mieux que la loi pour symboliser cette castration ? Quoi de mieux que l’interdit pour empêcher un sujet de jouïr sans entrave ??? Et bien justement ! Le pervers, la limite il s’en joue constamment !
Sa loi, ses règles, prévalent toujours sur les interdits et lois du commun des mortels. C’est un peu comme s’il se disait que votre castration il vous la laisse, lui, il mérite mieux que ça !

Etude de cas

Nous avons énoncer de nombreux aspects théoriques donc je vous propose à présent de profiter du cas de Jame Gumb (Buffalo Bill dans le silence des agneaux) pour passer à la pratique et que vous sachiez mieux repérer une structure perverse. Illustrons tout ça en vidéo :

À présent je pense que vous avez une bonne idée de ce qui caractérise la perversion au sens psychologique du terme. Mais n’oubliez pas qu’il est tout à fait possible de travailler sur ce que nous font vivre les pervers afin de ne plus en être les victimes de prêt ou de loin.
Pour se faire n’hésitez pas à consulter un thérapeute diplômé ou un psychologue… Et pourquoi pas grâce aux consultations à distances ?!?! 😉

Jérémie Gallen,
Psychologue et psychothérapeute en ligne

Sources :

– P.-C. Racamier, Les perversions narcissiques (2012) Payot : https://amzn.to/2ys1UEx

– H. Vecchiali, Mettre les pervers échec et mat (2014) Marabout : https://amzn.to/2wWzuSF

– H. Searles, L’Effort pour rendre l’autre fou (2003) Folio : https://amzn.to/3brV7tc

– J.-C. Bouchoux, Les pervers narcissiques: Qui sont-ils ? Comment fonctionnent-ils ? Comment leur échapper ? (2014) Pocket : https://amzn.to/2RRAIG4

– S.Freud, Névrose, psychose et perversion (2010) PUF : https://amzn.to/2KoXBww

– A. Eiguer, La perversion narcissique, un concept en évolution – Dans L’information psychiatrique 2008/3 (Volume 84), pages 193 à 199 : https://www.cairn.info/revue-l-inform…

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En quoi le concept de castration est pertinent ?

Pour ce qui est de comprendre ce qu’est le concept de castration dans les grandes lignes, de comprendre globalement ce qu’il signifie dans la pensée freudienne et lacanienne, je vous invite à regarder la vidéo que j’ai faite en collaboration avec Kevin de La Psychothèque autour du film « Edward aux mains d’argent » :

Maintenant que vous avez compris les bases de ce concept, posons nous la question de ce que cela peut apporter dans un suivi thérapeutique.

Le thérapeute lui va voir quel est le rapport de son patient avec le manque, avec la perte ou le fait de ne pas posséder une qualité ou un objet. Comment s’en débrouille t-il (t-elle) ? Est-ce que ça fait souffrance ? Est-ce que cette insatisfaction amène le sujet à se démener pour chercher à être comblé ?
Nous avons également des indications sur ce qui semble le plus important pour notre patient dans son positionnement : Est-ce l’Être ou l’Avoir qui prévaut ? Cela aura des répercussions sur sa vie psychique et son rapport à autrui.

Là où je trouve que c’est intéressant, c’est de voir comment est-ce que pour certaines personnes, ne pas avoir quelque chose où ne pas être quelqu’un qui aurait telle ou telle qualité va créer un manque et qui dit manque dit : besoin, demande, désir.

Cela va donc aiguiller sur les besoins fondamentaux de l’individu, sur cette demande qui n’a pas pu être entendu auparavant en dehors des séances, sur ce désir inconscient qui rate toujours aussi bien dans son expression que dans assouvissement.

Notre travail consiste également à cette prise de conscience. Qu’avant d’être du côté du manque d’objet ou de qualité personnelle, la castration s’opère d’emblée dans le langage… Notre langue nous permet d’exprimer des demandes mais pas NOTRE demande. La langue permet d’exprimer des besoins, pas ce dont NOUS avons véritablement besoin. Il y a toujours un manque, un hiatus. Pour couronner le tout, nous sommes nous même incapable de connaitre spontanément notre sujet du désir…

« Entre ce que je pense, ce que je veux dire, ce que je crois dire, ce que je dis, ce que vous voulez entendre, ce que vous entendez, ce que vous croyez en comprendre, ce que vous voulez comprendre, et ce que vous comprenez, il y a au moins neuf possibilités de ne pas se comprendre. » Bernard Werber

Nous devons le prendre en compte et l’accepter car cela fait partie de notre condition d’être humain.

 

Vous avez peut-être vu que nous avons fait un échange de conclusions dans nos vidéos avec la psychothèque, donc si vous voulez savoir pourquoi il en arrive à cette conclusion, voici son cheminement en vidéo et vous pourrez ainsi trouver ma conclusion en ce qui concerne la castration par Edward aux mains d’argent :

Sources :

 

Jérémie Gallen, psychologue et psychothérapeute en ligne.

Qu’est-ce que le Complexe d’Oedipe ?

Le complexe d’Oedipe est selon moi une des plus belle découverte du fonctionnement psychique.

Lorsque l’on comprend bien les conséquences que le complexe d’Oedipe implique sur la psyché d’un nourrisson et/ou d’un enfant il n’est pas étonnant de voir la résonance que ce concept – pourtant extrêmement décrié et attaqué par les nouvelles théories scientifiques – est à la base du principe de répétition, de la théorie de l’attachement de John Bowlby mais également de la thérapie des schémas.

Il n’est pas rare de voir fréquemment des psychologues, psychiatres ou chercheurs qui amènent une soi-disant idée thérapeutique révolutionnaire mais qui s’avère être un ersatz de concept préexistant dont ils auraient changé le nom et quelques aspects pour en dissimuler l’origine. Cela ne veut pas dire qu’il y ai une innovation pertinente au demeurant (comme la théorie de l’attachement et la thérapie des schémas justement) mais que cela ne marque pas une rupture avec la conception théorique initiale. Bref.

Ce que j’explique à mes étudiants de l’Université de Grenoble Alpes justement, ce n’est pas tant la partie théorique, que nous abordons rapidement mais plutôt l’aspect pratique, voire thérapeutique, que propose la mise en évidence d’un complexe oedipien.

Lorsque je rencontre mes patients, il s’engage un jeu dans lequel je dois « trouver le petit poucet » comme j’aime le dire. Rien de complexe. Il suffit de suivre les petits cailloux dispersés au sein du discours.
Chaque patient, chaque personne, chaque âme a une façon bien spécifique de déposer ses petits cailloux. Cela peut se faire par des répétitions de mots, de situations, d’actes, de champs lexicaux (souvent plusieurs à la fois) ce qui m’indique le chemin à suivre. Pour ma part, j’en fais part à mes patients de ce chemin qu’ils dessinent. Cela les surprend toujours de voir comment ils laissent des indices et cela donne également du sens pour la suite de la thérapie.

Il arrive même que les petits cailloux dans le discours tournent suffisamment autour du pot pour que cela dessine les contours d’un nom dit, à la manière des jeux pour enfants où il s’agit de relier des points pour dessiner une figure. Cela donne de bonnes indications sur les contenus refoulés ou les dénis.

Mais que vient faire Oedipe dans tout ça ? Et bien la tragédie de Sophocle nous indique une chose primordiale : Oedipe ne veut pas que les choses se déroulent ainsi, elles se passent malgré lui. Ce n’est pas lui qui veut tuer son père et coucher avec sa mère, il cherche à l’éviter. Mais cela se fait malgré toutes ses précautions… Inconsciemment. Au sens propre du terme.
Ce en quoi il avait déjà été inscrit dans le langage, se répète dans le futur.

Il en va de même pour nous autres. Qui que nous soyons.

Lorsque l’on est enfant, nous évoluons dans un milieu où il est question d’une « figure maternelle » (donc pas forcément une mère mais un objet de désir) et d’une « figure paternelle » (pas obligatoirement un père mais un tiers qui vient entre l’objet de désir et son accession). L’enfant va donc chercher à obtenir l’objet de plaisir/désir mais un tiers, d’une façon ou d’une autre va souvent se mettre en travers et empêcher cela.

Selon la configuration de ce système premier, l’enfant va tester diverses façon de faire avec ce tiers pour malgré tout obtenir l’objet l’objet de désir ou quelque chose de proche. Il peut mettre en place de l’agressivité, de la séduction, de la passivité, de la colère, etc.
Toutes ses tentatives ne fonctionneront pas mais à force d’essayer, l’enfant aura une tentative fructueuse. Comme nous l’indique si bien le comportementalisme, un comportement récompensé est un comportement qui va se répéter dans le temps. C’est ainsi qu’un complexe se crée.

Ce complexe va alors avoir tendance à s’extrapoler, sortir du cadre familial et être privilégié dans les nouvelles situations. Ce sera d’autant plus difficile de s’en défaire à chaque fois qu’il permettra à l’individu d’arriver à ses fins.

Problème : Les modes de résolutions de problèmes élaborés et mis en place dans l’enfance ne marchent que peu durant l’adolescence et l’âge adulte… Donc répéter un schéma infantile n’est pas une bonne solution. Il faut en sortir, trouver de nouvelles solutions plus élaborées.

Avant de conclure, je vous conseille de voir ma vidéo sur ce sujet et comment est-ce que le film Beetlejuice illustre très bien cette triangulation oedipienne :

Voilà en quoi est-ce que repérer un complexe oedipien est fondamental, il permet de constater que nous avions un outil performant pendant des années mais que dans le présent, il faut en changer et si possible, en changer dans chaque situation qui se présente !

Là se trouve la véritable adaptation dont doit faire preuve un esprit sain. Créer de nouvelles réponses à de nouveaux problèmes.

 

Sources :

 

Jérémie Gallen, psychologue et psychothérapeute en ligne

Mon Psy ne me croit pas (ou le diagnostic différentiel)

Vous est-il déjà arrivé de penser que votre psy ne vous croyait pas ? Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi votre psy pouvait montrer un désaccord avec vous ? Ou si vous n’avez encore jamais consulté, vous posez-vous la question : « Est-ce que ce psy ira bien dans mon sens ? »

Et bien sachez une chose, un bon psy doit être à votre écoute, prendre en compte votre « Réalité Psychique ». Mais cela ne veut pas dire qu’il doive acquiescer à tout ce que vous dites, pensez, imaginez ou faites. Le travail du psychologue (entre autres choses) va être de guider la pensée mais aussi de la stopper lorsqu’elle s’égare ou pire, va dans un sens négatif à votre avancée. Autant il peut être nécessaire parfois d’entendre l’intégralité d’une construction délirante, autant parfois, remettre immédiatement en question une conclusion paranoïde est nécessaire.

En dehors de quelques cas extrêmes, il m’arrive plus fréquemment en séances de devoir remettre en cause les certitudes de certains patients qui vont se donner une étiquette, s’auto-diagnostiquer. Ils le font pour de nombreuses raisons… Cela peut être pour moins réfléchir à leur propre fonctionnement ; pour des raisons identitaires ; pour des raisons de revendication de symptômes ; parce que quelqu’un de leur entourage les a ainsi étiqueté dans une interprétation sauvage ; parce qu’ils ont regardé sur internet (le plus gros problème à vrai dire et qui devient le plus fréquent).

 

Or, toutes ces personnes oublient une chose fondamentale : Le professionnel de santé a fait de nombreuses années d’études. Cela ne lui donne pas la science infuse, loin de là. Parfois même cela l’enferme dans des convictions contre productives, mais passons.

Le plus important selon moi en ce qui concerne le professionnel de santé, c’est qu’en dehors d’avoir un bagage théorique qui se trouve peu ou prou sur internet, il détient deux choses que ne peuvent pas avoir le quidam : l’expérience et la maîtrise du diagnostic différentiel.

L’expérience se passe de définition mais contribue chaque jour un peu plus à maîtriser et affiner son diagnostic différentiel. C’est donc encore plus essentiel.

Le diagnostic différentiel est un savoir, une connaissance et une méthode qui permet de différencier deux symptomatologies très proches mais qui diffèrent pourtant sur la pathologie en question, ses manifestations, ses conséquences et donc sa prise en charge. De même, nous confirmons moins souvent des diagnostics que nous en éliminons, c’est pour dire !

Vous comprenez donc qu’il est plutôt important que dans ce genre de situations votre psy n’ai pas à être en accord avec vous, voire, qu’il vous le fasse savoir.

Ce n’est donc pas que le professionnel ne vous croit pas, c’est qu’il est compétent et fait son métier !

N’hésitez pas à cliquer sur la petite vidéo que j’ai fait à ce sujet et qui apporte plus de précisions sur cette excellente question. Je me base sur un cas clinique que j’ai eu peu de temps avant de faire cette vidéo.

Jérémie Gallen, psychologue et psychothérapeute en ligne

La réalité psychique

Certainement LE concept le plus fondamental quand on est psychologue ou psychothérapeute !
Beaucoup l’oublie mais ce n’est pas dans les livres que se trouvent la réalité de nos patients mais bel et bien dans leur discours.

La vision que l’on a en tant que professionnel peut parfois nous faire oublier que nous avons tous un prisme ou un objectif différent à travers lequel nous observons et décryptons le monde. Comme on me le répétait souvent durant ma formation en hypnose ericksonienne : « La carte n’est pas le territoire« .

Or que se passe-t-il lorsqu’on discute avec une amie ou un proche ? L’autre se base sur son vécu, sur sa carte personnelle pour vous donner des conseils des clefs qui devraient vous aider, voire, vous donner la marche à suivre. Rares (mais elles existent) sont les personnes qui vont véritablement tâcher de se mettre dans la réalité de l’autre, de ne pas se pointer avec tous ses histoires et représentations personnelles.

Je ne pense pas que ce soit seulement une qualité innée, mais qu’elle s’acquiert si on fait le travail d’en prendre conscience… Et beaucoup de pratique.

La réalité psychique est fondamentale pour le professionnel de soin car elle rend compte de la subjectivité des individus. Si le professionnel passe à côté de cet aspect, nous pouvons dire qu’il passe à côté de l’essentiel de sa fonction : être centré sur le sujet. Il m’est arrivé dans ma pratique de constater qu’une personne avait été dévastée par la mort de son chien, un autre patient n’a montré que peu de réactions et d’empathie face à la mort d’un parent proche. Si, en tant que professionnel je ne fais que partir de mes représentations personnelles, je change de sujet avec la première pour insister avec le second. Cela aurait été une erreur grossière. L’une était véritablement en train de vivre un deuil, l’autre non.

J’illustre la réalité psychique et ses implications dans cette vidéo en m’appuyant notamment sur le film « Il faut sauver le soldat Ryan »

Se centrer sur le sujet et sur ses propres ressentis, émotions et cognitions est fondamental.

À l’inverse, parfois (assez fréquemment à vrai dire), notre travail nous amène à ce que les individus puissent prendre conscience de la réalité externe et l’intègrent davantage dans leur réalité psychique. Les réalités matérielles et biologiques constituent un environnement dans lequel nous devons nous adapter et évoluer car ces réalités là, elles, ne varieront pas (pu peu).
C’est aussi la différence entre principe de plaisir et principe de réalité introduits par Freud.

 

Dans cette courte vidéo en revanche, je fais la distinction entre ce que la réalité psychique – en tant que concept – sert pour le patient et le thérapeute.

Jérémie Gallen, psychologue et psychothérapeute en ligne

Sources :