Conseils en temps de confinement

psy confinement

Photo : Daniel Tafjord

Je vais ici tâcher de répondre à ce qui relève de mon domaine de psychologue clinicien en ce qui concerne les mesures non explicites de confinement qui ont court aujourd’hui en France pour cause d’épidémie (si ce n’est de pandémie) du coronavirus ou COVID-19. Quelles sont les conséquences psychologiques d’un tel enfermement à court ou moyen terme et de quelle manière peut-on se faciliter la tâche afin de sortir grandit de cette épreuve commune…

Lorsque Lundi 16 Mars 2019, le Président Emanuel Macron a préféré répéter à plusieurs reprises, lors de sa dernière allocution, « nous sommes en guerre » plutôt qu’une seule fois employer le terme « confinement »,
la stratégie de communication politique était calculée et assumée.
Quand l’on lit la définition du Larousse pour le terme « confinement » on comprend peut-être mieux pourquoi : « Situation d’une population animale trop nombreuse dans un espace trop restreint et qui, de ce fait, manque d’oxygène, de nourriture ou d’espace. »

En dehors de cette définition plus qu’anxiogène, confinement nous vient de « confins » qui nous vient du latin confinium, => voisinage, c’est à dire la proximité.

Le confinement, c’est la proximité si ce n’est la promiscuité.

Parler de nous mettre en guerre c’est nous solliciter dans notre position active de citoyen, de prendre position face à la menace, nous pourrions (presque) en dégager une certaine fierté. Se confiner, c’est être passif, craintif… Rien de très valorisant.

En psychologie, c’est la même chose. Se laisser aller dans une position passive de sujet n’apporte jamais rien de bon. Quelle que soit la difficulté psychique que vous avez à traverser dans votre vie, c’est une position active de sujet qui va vous faire créer des solutions, modifier vos pensées et vos actes. C’est un préalable à toute évolution ou guérison.

Les personnes qui vont se laisser aller durant cette période de confinement risquent de s’effondrer psychologiquement comme nous pouvons parfois cliniquement le constater chez des détenus. Mais la clinique des détenus nous apporte aussi un éclairage sur celles et ceux qui ressortent d’une privation totale de liberté avec une belle évolution personnelle : la volonté de malgré tout rester aux commandes de sa vie.

 

Quels sont les risques psychologiques les plus courants dans la situation actuelle ?

1/ Anxiété, stress, angoisse

L’Être humain s’angoisse dès qu’il ne comprend pas quelque chose qui lui arrive. La diversité des informations nous empêche parfois d’avoir une donnée fiable sur laquelle nous positionner définitivement. Le flou global quant à ce que le virus pourrait faire en terme de symptôme pour soi ou les autres ainsi que son niveau de propagation ne sont à ce jour presque que des suppositions (dans le pire des cas) ou des estimations (dans le meilleur des cas).
En tant qu’êtres sociaux, ces incertitudes anxiogènes, nous nous les transmettons plus facilement et rapidement que le virus lui-même…
Sans parler du stress que donnent les perspectives économiques suite à cet événement.

Pistes et bonnes pratiques
– Sélectionner soigneusement ses sources d’information. Si l’on n’a pas de bagage scientifique, se référer aux données communiquées par le ministère de la santé et l’Organisation Mondiale de la Santé. Mais se renseigner pour quitter le flou vecteur d’angoisse est fondamental.
– Parler de ses craintes et des scénarios que l’on imagine afin de le confronter à la pensée d’autrui (d’un thérapeute serait judicieux)
– Ne pas se focaliser exclusivement sur le coronavirus et ses conséquences. Se rappeler que la vie continue et dépasse ce sujet. Rassurez-vous en voyant tout ce sur quoi vous avec encore une possibilité d’action.
– Se faire plaisir et se changer les idées. Se récréer au sens premier du terme.
– Faire de la méditation. Dans un premier temps utiliser des vidéos ou podcast en libre accès si l’on n’est pas habitué à cet exercice. Dans un second temps consulter un professionnel.
– Faire un travail d’introspection sur les pensées qui nous angoissent. Ce travail pourra éventuellement se poursuivre avec un professionnel.
– Si les manifestations anxieuses sont trop fortes : consulter un psychologue dès à présent par visioconsultation.

 

2/Isolement et Ennui

Nous sommes d’une, des êtres sociaux et de deux, des êtres complexes. Ce qui veut dire que nous avons besoin de stimulations. Nombreuses et différentes.
La plupart des êtres humains ont un besoin important de rentrer en communication avec autrui, de partager sentiments, pensées et émotions. Sans ça, nous nous sentons seul et isolé du monde.
De plus, suivant le temps que peut durer un confinement, le plaisir à regarder des séries, des films ou lire des livres peut fatalement perdre de sa valeur. C’est bel et bien parce que ce n’est pas notre quotidien qu’une activité peut s’avérer intéressante et motivante.

Pistes et bonnes pratiques
– L’important est de continuer de communiquer. Nous sommes des êtres sociaux !
Utilisation des moyens modernes de communication. Parlons nous par la fenêtre si nous sommes seul sans terrasse, sans balcon, sans famille.
– Diversifier au maximum ses activités afin de pouvoir les faire tenir dans la durée.
– Les études auprès de cosmonautes nous indiquent qu’il faut vivre « au jour le jour » (voir notamment vidéo en source sur l’étude « Mars 500 »). Se projeter dans le temps est très négatif. Il vaut mieux accomplir chaque jour dans une routine.
– Se préparer les repas. Éviter les plats préparer. Cela constitue aussi bien une activité qu’une règle d’hygiène de vie. Le goût et l’odorat sont des stimulations très positives pour tout un chacun et le temps du repas est une chance pour le nez et les papilles !
– Se forcer à faire de l’activité quotidienne. Cela apporte plaisir et satisfaction tout en (espérons-le) consolidant une bonne image de soi !
– Se donner un objectif journalier, hebdomadaire, mensuel et se récompenser une fois qu’on les atteints progressivement.
– Profiter de faire une chose que l’on a jamais osé ! Apprendre à jouer d’un instrument, une nouvelle langue, écrire un livre, etc.
– Ne surtout pas se dire qu’on a le choix mais suivre les règles que nous nous sommes fixés sans croire un instant que l’on puisse en déroger.

 

3/ Disputes, frustrations, aggravation de conflits en tout genre

Dans les derniers jours… Combien de fois n’avez vous pas pu faire ce que vous souhaitiez ? Combien de fois avez-vous dû dire non à vos enfants ?
C’est un vrai problème pour les accords de paix que nous tâchons de maintenir dans notre confinement !
La promiscuité catalyse les frustrations, les mésententes et incompréhensions en tout genre. Et malheureusement, au sein des familles, il est rarement question de faire preuve d’autant de retenu et de tact que nous le faisons avec les personnes extérieures.
Une personne agressive, violente, perverse ou manipulatrice aura donc ses attitudes et comportements exacerbés… Prenons garde à cela chacun pour nous-même, c’est la première étape.

Pistes et bonnes pratiques
– Terme utilisé et réutilisé depuis quelques années, il est pourtant aujourd’hui nécessaire de s’appliquer un maximum de bienveillance (envers soi, envers les autres). La situation est difficile pour tout le monde. Soyons bienveillants.
– L’altruisme est une bien meilleure piste que les réactions et comportements compulsifs. Nous devons tâcher d’être très conscients de nos faits et gestes afin qu’ils soient tourné vers l’autre et pas en réaction à l’autre. Comme j’ai déjà pu le dire par ailleurs : « C’est rarement l’attaque de l’autre, mais plutôt sa défense qui nous heurte »
– S’accorder -dans le mesure du possible- des temps de retrait, seul, à l’écart des autres pour ne se focaliser que sur soi.
– Éviter les excitants comme le café ou autre qui vont notamment impacter votre patience, voire, votre sang froid.
– Le pardon est une vertu que nous allons devoir remettre au goût du jour ! C’est encore mieux s’il est sincère et qu’on y croit !
– Face à des difficultés de gestion des émotions, de comportements agressifs qui vous dépassent ou autre, je ne peux que vous encourager à consulter un thérapeute. C’est le bon moment d’ailleurs, profitez-en vous avez le temps et pas d’excuse de trajet : les séances à distance sont formidablement efficientes comme elles le sont en présentiel.

 

4/ Épuisement et burnout des personnels soignants (au minimum)

Les personnels soignants français étaient déjà mal en point avant cette crise, tout le monde en a conscience. La situation actuelle est pour la plupart d’entre eux une rude épreuve supplémentaire. Sans parler de l’épuisement physique qui n’est pas de mon ressort, l’épuisement psychique et les craintes pour sa santé personnelle, l’angoisse de le transmettre à ses proches après avoir passé toute la journée auprès de personnes infectées et bien évidemment, la crainte d’être débordé dans sa capacité d’accueil ce qui amènerai inévitablement à de difficiles choix éthique… Tout cela forme un cocktail explosif.
À ne pas oublier : lorsqu’un être humain est en situation de stress et d’hyperactivité, en général, il tient. C’est après, lorsque la vie « normale » peut recommencer que des troubles ou, plus grave, des décompensations peuvent se manifester. Nous devrons tous à notre tour être attentifs à leur égard, surtout en tant que professionnels du soin psychique.

Pistes et bonnes pratiques
– À l’heure actuelle, la « bobologie » devra se passer de médecins généralistes et plus encore des services d’Urgence.
– Pour celles et ceux qui vivent avec un proche qui exerce actuellement dans le champ de la santé ou est réquisitionné, nous devrons accepter pas mal de choses, faire preuve de bienveillance et de soutien.
– Leur faciliter la tâche à domicile en leur offrant un espace et un temps de repos. On ne sait pas pour combien de temps et à quelle intensité ils vont devoir travailler de la sorte.
– Leur changer les idées, ce qui n’est pas facile dans la mesure où ils ne pensent, vivent, parlent que covid depuis plusieurs semaines ! Leur entourage aussi soit dit en passant.
– À nouveau, les consultation en soin psychique sont nécessaires et peuvent améliorer la prise de recul.
– Continuer de leur montrer notre gratitude. Vous pouvez me croire, cela les touche beaucoup. Quand à 20h la France applaudit à son balcon. Ils sont émus aux larmes.

 

5/ Comportements addictifs en hausse

Stress, psychose, isolement, ennui, dépression… Autant de facteurs qui peuvent pousser à trouver des échappatoires. Les sensations de manque sont plus fortes face à l’ennui. Les moments de conscience modifié rendent parfois la réalité plus facile à vivre et à accepter.
Une fois ce type de comportements installés, voire, renforcés par des expériences de plaisir, le cercle vicieux et l’accoutumance peuvent s’installer/se décupler.

Pistes et bonnes pratiques
– Se restreindre à des moments particuliers bien spécifiques.
– Tâcher de conserver les mêmes consommations qu’en temps normal.
– Profiter de ce changement extraordinaire dans notre vie quotidienne pour arrêter une consommation problématique.
– Suivre les recommandations de l’OMS comme repère si l’on en a pas.
– Contacter/Consulter un addictologue.
– Consulter un thérapeute spécialisé en addictologie par visioconsultation.
– Trouver une nouvelle activité, un nouveau comportement apaisant.

 

6/ Dépression

Nous sommes des êtres complexes et comme évoqué plus tôt, nous avons besoin de stimulations. Dans les cas extreme, ce manque de stimulation, d’imprévus et de rencontres sociales peuvent finir par nous faire se désinvestir de ce que nous avons pourtant l’habitude d’aimer faire ou vivre.
De même, nous nous retrouvons dans une situation inédite dans laquelle nous n’avons que très peu d’emprise sur ce qui nous arrive. Ne pas avoir le sentiment d’être aux commandes de ce qui nous arrive dans notre vie est un réel facteur de risque dépressif.

Pistes et bonnes pratiques
– Consulter un psy ! La dépression est ainsi faite que souvent les gens n’ont pas la motivation de se soigner. C’est le serpent qui se mord la queue. Vous devez consulter au plus tôt afin de vite vous sortir de là.
– Maintenir des liens sociaux. Lorsque les virus infectent nos ordinateurs, nous pouvons rencontrer l’autre dans le réel. Lorsque nous sommes infecté par un virus, nous pouvons rencontrer l’autre grâce à nos ordinateurs.
– Avoir – malgré le confinement – une hygiène de vie irréprochable et reprendre un rythme de vie. Cela surprend parfois mes patients, mais en cas de dépression, j’évalue d’abord et avant tout leur quotidien et leurs habitudes avant de chercher toute cause psychique ou environnementale.
– Reprendre les rênes de sa vie sur ce que l’on peut. Il faut à tout prix garder une position active de sujet. C’est depuis cette place que l’on peut s’en sortir. Certainement pas dans la passivité et le fait de s’éteindre à soi-même.
– Trouver du sens à ce que l’on fait, ce que l’on vie, ce qui nous entoure.
– Consulter un psy. Oui, j’insiste.

 

7/ Délires paranoïdes et conspirationnistes

Le problème des délires paranoïdes, c’est qu’ils s’appuient toujours sur une base réelle et que c’est dans un second temps que l’imaginaire fait des liens abusifs. Les personnalités paranoïaques peuvent n’avoir que peu de signes pendant des années et être à un moment donné face à une situation dans le réel qui fait flamber le délire.
Autant dire que là entre crise sanitaire, économique, décisions politiques inédites… Le cocktail est bien chargé.

Pistes et bonnes pratiques
– Consulter… Franchement dans ce cas de figure où l’individu ne va vouloir (sur)interpréter son environnement et les informations qui lui sont données, uniquement pour valider son délire et sa construction imaginaire… Il n’y a que l’aide d’un professionnel qui peut parvenir à quelque chose.
À moins que celui-ci ne soit lui aussi de mèche avec les puissants, les lobbys et autres sociétés secrètes ! Bien entendu.
– Si un de vos proche se retrouve dans ce genre de pensées et de discours, faire une coupure avec les médias et les réseaux sociaux est une (première) mesure intéressante. Il existe tout sur internet, donc quoi que puisse penser une personnalité paranoïaque, cette personne trouvera toujours des « sources » pour valider ses croyances et son délire.
– Ne pas chercher à raisonner ou démonter son argumentaire, cela le renforce. Si c’est plus fort que vous, vous pouvez davantage avoir un échange constructif en parlant de ce que cela lui fait ressentir plutôt que sur la logique.

 

 

Personnes à risques potentiellement plus élevé :

Bon nombre des éléments abordés ici peuvent être décuplés chez les enfants et les personnes ayant déjà des troubles psychiques. La vigilance et l’accompagnement de ces personnes est donc d’autant plus nécessaire.
[J’attire également votre attention sur un aspect qui n’est pas tant psychologique mais éducatif : Durant cette période d’enfermement avec nos enfants, il est plus que probable que certaines règles subissent des entorses… Le problème n’est pas dans le maintenant mais pour l’après. Faire comprendre à un enfant que ce qu’il pouvait faire à un moment X est à nouveau interdit à un instant Y n’est pas chose simple. Les enfants en bas âge ne peuvent pas effectuer ce genre d’abstraction. Cela leur est impossible.
Ne pas respecter les règles habituelles de la maison s’est s’exposer à ce que ce soit toujours le cas après le confinement.]

Autre facteur de risque, comme très souvent, la catégorie socio-professionnelle. En effet les personnes les plus modestes courent un risque plus grand dans la mesure où ils sont plus soumis à la promiscuité, le manque d’espace extérieur et la possibilité de diversifier leurs activités par manque de moyens.
Cette population doit particulièrement susciter la vigilance et le soutien des professionnels de la santé psychique.

En conclusion :

Comme le dit la conclusion d’une étude que je mets en source (The psychological impact of quarantine and how to reduce it: rapid review of the evidence) : « L’impact de la quarantaine est vaste et peut persister. Cela ne veut pas dire que la quarantaine ne doit pas être utilisé. Les effets psychologiques de ne pas utiliser la quarantaine et la propagation de la maladie pourraient être pire. »
En tout cas, c’est le consensus actuel.

Nous manquons malgré tout d’un recul fiable et nécessaire. De nouveaux travaux sur le long terme devront nous en apprendre davantage sur les effets psychologiques et sanitaires de telles mesures.
Dans un premier temps, ce sont les cliniciens qui devront rapporter le plus précisément possible ce qui se joue dans le discours et donc le psychisme de tout un chacun. Ce sera un matériel très important pour la recherche et la littérature à venir.

 

Bon confinement à toutes et tous, prenez soin de vous, de vos proches et cultivez votre altruisme !

 

Si le message passe plus facilement en vidéo, vous pouvez cliquer directement :

 

Sources :
– https://lookaside.fbsbx.com/file/The%20psychological%20impact%20of%20quarantine%20and%20how%20to%20reduce%20it.pdf?token=AWyKInydt6WruUxCtBpBSMp4FIm2Gol2ptjXDiE2HZBKtx-TBpq06FjtFGtV9MGmWZ0NIyaNbkn6E5mufAP1YdsfNew_4de8v72-YYAqlq_kpFo49gjHMeKRSp8LHRrPe0YhpuVn7JvtUoGD8P1vIL1028kenL60l-Oed1mxQttMlQ

– http://theconversation.com/covid-19-point-par-point-des-recommandations-dexperts-pour-reduire-les-effets-psychologiques-negatifs-lies-au-confinement-133811

– https://www.sciencesetavenir.fr/sante/cerveau-et-psy/les-effets-psychologiques-de-la-quarantaine_142244#

– https://www.cafe-sciences.org/covid-19-ressources/

– Vidéo : Mars 500 et au-delà | Romain Charles | TEDxPanthéonAssas = https://www.youtube.com/watch?v=kP0QUncxn9A

– https://www.3-6-9-12.org/confinement-nos-conseils-de-vie-quotidienne/?fbclid=IwAR3LL-NW2kU8AFTNi3oeG7Z_4bUDlvwAM9vid7WMKZEMNmLKHdttRx1fg7A